On a vu des rois fous. Témoin sire Griffard ;
C’est ainsi que j’appelle un lion dont Stassart
Nous a retracé la démence ;
Témoin le mien aussi qui, dès l’adolescence,
En proie aux passions, vit leurs fougueux transports
De son pauvre cerveau déranger les ressorts,
À tel point qu’il avait quelques moments d’absence.
Mais tous les courtisans, peuple caméléon,
Comme l’appelait La Fontaine,
Pour plaire au père du lion
Lui disaient que son fils avait la tête saine,
Et que, modèle un jour des plus grands potentats,
Il saurait sagement gouverner ses états.
Il n’en fallait pas tant pour aveugler un père
Podagre*, apoplectique et presque octogénaire.
Cependant, le vieux roi descendit aux enfers ;
Son fils lui succéda la cervelle à l’envers.
Le peuple murmura ; mais on le fit bien taire.
Son règne fut affreux, atroce, sanguinaire,
Et quoiqu’il ne durât, dit-on, que peu de temps,
Au nom de ce roi fou, ministres, courtisans,
Firent autant de maux que dix ans d’anarchie :
Cela n’empêche pas d’aimer la monarchie.
*Qui a la goutte aux pieds.
“Le Lion devenu fou”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859