Christian Satgé
Fabuliste contemporain – Le Marabout et l’Ingénue
Un vain marabout – l’oiseau et non l’homme ! –
Se pensant irrésistiblement beau,
Faisait cour insistante et âpre comme
Guerre où tout serait pillage aux flambeaux,
À quelqu’une, pucelle pucelante.
Humble, à une vraie nonne vergogner,
Elle n’était pour lui que rebuffades
Qui ne semblaient que plus aiguillonner
Ce lourd échassier, fat au cœur tendre
Comme roc qui ne veut raison entendre.
Or ce Casanova des marigots,
Poussant souvent la mare à bout, se vante
Rut au rein et rut taurin, tout de go,
De ses multiples conquêtes, énervante
Propension brocardée alentour
Par des placards à son endroit peu amènes.
Se voulant splendide comme un vautour,
Seul vrai mâle du tropical domaine,
Disant offrir tant généreusement
À femelle ce qu’elle attend mêmement,
Il avait proposé à la candide oiselle,
Par ses refus ni fourbu ni moulu,
Courtoisie qu’il croit fort plaire aux donzelles,
Avant qu’elle ne se soit « vermoulue »,
Ses cousines et tantes aimant l’éphémère,
De la déniaiser, là, au revers
Du talus comme il le fit « de sa mère,
Et de ses sœurs ! » ajouta ce pervers.
Devant tant de galanterie courtoise
La jouvencelle le morgue ou le toise.
Lors, l’éconduit s’en plaint au marabout.
Pas l’oiseau, ma foi, mais bel et bien l’homme.
« Ah, mon seul charme ne venant à bout
De ses tabous, envoûte cette pomme !
– Ne faisant, las, rien pour être aimable
Comment veux-tu, mon ami, être aimé ?
– La vie est brève et il n’est pas blâmable
D’en vouloir jouir et sans carêmer !
– Certes : mais tout art est long à apprendre,
Surtout pour ce qui est d’un coeur à prendre ! »
Christian Satgé
*Voir d’autres fables de Christian Satgé sur son Blog : Les rivages du Rimage