Un pauvre gentilhomme, habitant la campagne,
N’avait que son nom pour tout bien.
Après sa sœur, sa plus chère compagne,
Ce qu’il aimait le plus c’était son chien,
Ce tendre ami qui seul nous reste et nous console,
Quand sur l’aile du temps notre bonheur s’envole
Pour faire place au noir chagrin.
Ün grand seigneur, riche voisin
De notre pauvre gentilhomme,
Le fait venir chez lui. « Vous n’avez pour trésor,
Dit-il, que votre toit de chaume,
Où votre jeunesse s’endort,
En caressant sans doute quelque rêve.
Quittez, quittez votre pauvre maison ;
Pour rajeunir votre blason,
Il faut qu’un nouveau jour se lève,
Et vous le verrez à la Cour,
Où, sur mon honneur, je m’engage
A faire de vous un beau page. »
Après avoir longtemps attendu, certain jour,
Notre gentilhomme se lasse
De ne pas voir venir sa place ;
Il s’en va trouver le seigneur,
Et, sans se plaindre à Son Altesse
Du long oubli dans lequel on le laisse :
« J’ai trouvé place enfin, dit-il d’un ton moqueur. —
Oh ! que j’en suis heureux, répondit l’Excellence.
Où serez-vous placé ? — Dans une diligence.
Je m’en retourne, et sans retard,
Ajoute notre campagnard,
Car ce serait une folie extrême
De croire encor aux promesses des grands.
Adieu, seigneur, dès aujourd’hui j’apprends
A ne compter que sur moi-même. »
“Le pauvre Gentilhomme et le grand Seigneur”