Qui vole tous les jours les pommes du jardin ?
— Ce n’est pas moi. — Ni moi ; demandez à ma mère ,
Papa. —Ne mentez pas, Prospère :
On vous a vu. —Quand ? — Ce matin ,
On vous a vu voler des grappes de raisin.
— De qui? —De Charles votre frère.
— Ce n’est pas vrai, certainement.
— Est-ce vous , ou Charles qui ment ?
— Le menteur ! U voulait me les prendre à moi-même.
Ce père était dans une peine extrême ;
Il ne pouvait savoir qui des deux le trompait.
11 se servit d’un plaisant stratagème ,
Pour découvrir celui qui lui mentait :
Devant ses deux enfants, il vous arrange en caisse
Des fruits d’une rare beauté ;
Mais en cachette , autour d’un trou qu’il laisse ,
Il tend un piège fin, par lui-même inventé .
Pour retenir la main, en même temps qu’il blesse.
Voilà Prospère, fin matois,
Qui va, vient, et, croyant n’être vu de personne,
Glisse sa main en tapinois :
Crac ! il est pris : O ma bonne, ma bonne !
Au secours, au secours ! Papa, qui le guettait,
Arrive, et comme il le tançait.
Il lui disait, d’un ton goguenard et sévère :
C’est Charles que je tance ; oh! ce n’est pas Prospère;
Claquant toujours, il répétait :
Charles, soyez donc vrai ; Charles, soyez sincère.
“Le Père et ses deux Fils”