Simon-Pierre Mérard de Saint-Just
1765
Des siècles s’étoient écoulés ,
Quand parut Le Phoenix , unique en son espèce.
Quadrupèdes , oiseaux près de lui rassemblés ,
L’admirent, tour-à-tour, et c’est à qui s’empresse ,
Etonné , ravi, transporté ,
De louer , de vanter , d’exalter sa beauté :
Mais bientôt jugé mieux, avec plus de sagesse ,
De son prix il perd la moitié ;
Et puis l’œil s’en détourne, et puis il fait
pitié. Hélas ! dit une tourterelle ,
La Nature pour lui se montra bien cruelle.
Loin que de son destin on puisse être charmé,
Il doit haïr l’instant qui l’a vu naître ;
Car, seul de son espèce , il ne pourra connoître
Les plaisirs si touchans d’aimer et d’être aimé.
“Le Phœnix, fable”