Compère le Renard, un jour d’un petit mot,
Invita la cigogne à la fortun’ du pot.
S’étant donc requinquée, un soir ell’ s’y rendit,
En suivant les boul’varts pour gagner d’ l’appétit,
Sur l’air du tra la la la,
Sur l’air du tra la la la,
Sur l’air du tra déri, déra, tra la la.
— Eh ! bonsoir, mon compère, ma commère,bonsoir,
Entrez, donnez-vous donc la pein’ de vous asseoir.
Merci, vous êtes bien bon ; mais permettez, renard,
Que je pose en un coin mes socqu’set mon rifflard
Sur l’air du tra, etc.
On servit un mets clair et dans un plat très grand :
Le renard mangea tout, la cigogne néant.
Par ce fait j’ai vu que quelqu’affamé qu’on soit,
Pour bien dîner il faut d’abord avoir de quoi.
Sur l’air du tra, etc.
— Je vous traite sobrement, mais vous m’excuserez,
Dit alors le renard, c’est dans votre intérêt:
J’ai lu dans mon journal qu’il règne en ce moment
Un’ maladi’ de bêt’s qui ta pas mal de gens.
Sur l’air du tra, etc.
Comprenant la malice en voyant le plat sec,
La cigogn’ fit un nez aussi long que son bec.
Et se dit en sortant :—A h ! tu m’as mis dedans !
Mais quoique sans mâchoir’ je te garde une dent.
Sur l’air du tra, etc.
Deux ou trois jours après elle dit au renard :
D’ l’héritag’ que j’ai fait venez prendr’ votre part;
Un oie de Périgueux, mien cousin, en mourant,
Vient d’ me laisser son foi’ truffé par lestament.
Sur l’air du tra, etc.
Il arrive au jour dit ; à la cuisine il court ;
Sur chaqu’ casserole il se pench’ tour-à-tour,
Et dit à la cigogne en s’ léchant le menton :
Carême auprès de vous n’était qu’un marmiton.
Sur l’air du tra, etc.
Le dîner fut servi dans un vase au long cou ;
Le renard n’y prit rien, la cigogne y prit tout;
Et se dit en riant de son air consterné : T
u m’fis dîner par l’œil, mais tu dîn’s par le nez.
Sur l’air du tra, etc.
Le renard tout honteux, sans se faire prier,
Dit bonsoir, et gagna la porte et l’escalier.
la cigogne le suivit en sifflant jusqu’au bas
L’air : J’ai du bon tabac et tu n’en auras pas.
Sur l’air du tra, etc.
MORALE.
Je tire de ceci double moralité.
La première est qu’ souvent le trompeur est trompé.
La seconde, moins connue, est que toujours il faut
Eviter les dîners à la fortun’ du pot.
Sur l’air du tra la la la,
Sur l’air du tra la la la.
Sur l’air du tra déri, déni, tra la la.
L. Fourtoul. Le Renard et la Cigogne.