Un jour sa majesté Lionne
Leva sur ses sujets un impôt illégal.
Certain vautour prévint sa royale personne
Que des gens du peuple animal
Contre elle s’avançaient en armes.
De tant d’audace courroucé,
Le monarque s’émeut et répand les alarmes
Parmi les courtisans. Le cœur tout offensé,
Et doutant du succès des prochaines batailles,
Il prouve son courroux par cent rugissements
A faire écrouler des murailles.
Afin de mieux parer à tant d’événements,
On consulte les plus habiles :
Des blaireaux, des ours montagnards,
Philosophes fuyant le tumulte des villes,
Des panthères et des renards,
Gens de sacs et de tours pendables,
Des plus affreux forfaits coupables.
Un soir délibérait le conseil rassemblé
Sous la présidence du maître,
Quand certain roitelet, qu’une tige de blé
Sans plier eût porté peut-être,
Se pose sans façon sur l’épaule du roi
Pour mieux haranguer l’assistance,
Dit qu’il faut respecter la loi,
Que la justice et la prudence
Défendent qu’on lève l’impôt,
Que tout le peuple enfin protestera bientôt
Contre cet ordre tyrannique.
Mais on siffle de toutes parts
Le pygmée. Un rire homérique
Part du banc où siégeaient messeigneurs les renards,
Et le pauvre orateur à la petite taille,
Interrompu, tremblant, berné
Et d’un tel fracas consterné,
Regagna d’un coup d’aile un trou de la muraille,
Qu’il n’aurait jamais dû quitter.
Les avis du conseil allumèrent la guerre.
Nul n’en vit pareille éclater
Sur la surface de la terre ;
Et le peuple vainqueur, par la rage aveuglé,
Recouvrant son droit violé,
Sur son trône égorgea sa majesté Lionne.
Il ne faut faire fi des avis de personne.
“Le Roitelet au conseil du Roi”