Un jeune rossignol chantait sous le feuillage :
Certain serpent, et des plus fins matois,
Qui près de lui rôdait en tapinois,
Le voit, et par ces mots interrompt son ramage :
Jamais, foi de serpent, jamais, sur mon honneur,
(Je crois être pourtant le plus vieux du bocage)
Je n’entendis la voix d’un chantre si flatteur :
Je viens aussi te rendre hommage.
L’oiseau, plein de fierté, chante avec plus d’ardeur.
Serpent de répéter : Jamais, sur mon honneur,
(Je crois être pourtant le plus vieux du bocage)
Je n’entendis la voix d’un chantre si flatteur.
Mais, mon enfant, approche davantage ;
Je t’entends bien, mais je ne te vois pas :
Mes yeux sont affaiblis par ma grande vieillesse ;
Approche, donne-moi ce signe de tendresse ;
Ton plus sincère ami veut, avant son trépas,
Pouvoir te contempler ; viens donc pour lui complaire.
L’orgueil le rend docile à la voix du serpent,
Qui siffle, fond sur lui, l’atteint, et sous sa dent
L’emporte au fond de son repaire.
Jeunes gens qui croyez avoir, par vos talents,
Des titres à la renommée,
Redoutez parmi vous beaucoup d’hommes-serpens
A la louange envenimée.
Cette fable, qui a quelques traits de ressemblance avec celle de M. Gosse, intitulée Le Rossignol et le Renard, a été faite plusieurs années avant que je n’eusse lu le recueil de ce fabuliste.
“Le Rossignol et le Serpent”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859