Parmi les ânes d’Arcadie,
Un steeple-chase était organisé.
Un superbe cheval, étalon d’Arabie,
Pour se joindre aux lutteurs fut assez mal osé.
Comme on peut le penser, sans se donner grand’ peine,
Au but il arriva quand le plus fier baudet,
Suant et s’essoufflant jusques à perdre haleine,
A peine avait franchi la moitié du trajet.
Se posant néanmoins en héros de la joute,
Il osa réclamer la palme du vainqueur ;
Mais le juge lui dit: « Vous plaisantez sans doute ? »
Et les ânes, de lui, se moquèrent en chœur.
Notre cheval confus de sa mésaventure,
Et du tort qu’éprouvait sa réputation,
En combla pourtant la mesure
Par ostentation ; pour une course de vitesse,
Il convoqua tous les cerfs d’alentour ;
Mais cette fois ce fut son tour
D’arriver le dernier, confessant sa faiblesse.
Il fut encor moqué, bafoué, conspué,
Hué, vilipendé.
Et lorsque chez les siens on connut son déboire,
A se tordre l’on rit d’une aussi sotte histoire.
Se mesurer au faible est d’un esprit étroit ;
Lutter contre le fort, c’est de l’outrecuidance ;
Il faut, c’est un avis dicté par la prudence,
Ne hanter ni plus grand, ni plus petit que soi.
“Le Steeple-Chase, fable”