Un Écureuil à jeun rencontre une Châtaigne,
Belle, fraîche, polie. Ah ! quel morceau friand,
Dit-il en son jargon, il faut que je l’atteigne ;
C’est un dîner qui sans doute m’attend ;
Je cours depuis plus d’une lieue
Sans en pouvoir trouver autant.
Tout joyeux il la prend, recoquille sa queue,
S’assied, lorgne sa proie avec un œil content,
Dans ses pattes vingt fois il la tourne & revire,
La flaire, la lèche, l’admire,
Puis il la met entre deux dents,
La presse, l’ouvre, & la trouve pourrie.
Qu’il fut penaud ! C’est-là l’ordinaire avanie,
De ceux que le dehors rend dupes du dedans.
On ne peut, qu’en l’ouvrant, connaître la Châtaigne,
Ni bien juger les Rois qu’à la fin de leur règne.
Pierre-Laurent de Belloy