Messire l’éléphant, sans suite et sans fracas,
Par un beau jour d’été visitait ses Etats.
Comme il allait à pied, il veut reprendre haleine.
Et s’arrête à l’ombre d’un chêne.
Sur la cime de l’arbre une pie habitait.
Et plus bas, dans un creux, Logeait une hirondelle,
La dame de là-haut, babillarde éternelle,
Du matin au soir caquetait,
Comme une margot qu’elle était.
A peine a-t-elle vu l’altesse éléphantine :
Ah ! bon Dieu ! qu’aperçois-je là ?
Va-t-elle dire à sa voisine.
Le vilain monstre que voilà!
Par ma foi, le chameau, malgré sa double bosse,
Est moins hideux qu’un tel colosse.
Je ne dis rien de ses pieds mal tournés,
De sa queue en fuseau, de sa pesante allure.
Mais regarde un peu sa figure :
Quels petits yeux et quel long nez !
Qui ne rirait du nez d’un pareil sire ?
L’hirondelle lui répondit :
Il a de petits yeux, mais ils sont pleins d’esprit.
Quant à l’objet dont tu veux rire,
C’est une trompe que Dieu fit.
Ou plutôt une main. Vois avec quelle adresse
Il la fait mouvoir en tous sens,
L’allonge, ou la resserre, ou la courbe, ou la dresse !
Je passe à ses autres talents…
—Oui-da, reprend margot,tu dirais des merveilles :
Louer est ton plaisir, et ce n’est pas le mien.
Tout éloge d’autrui me blesse les oreilles.
Bonsoir.” Là finit l’entretien.
Dame jaquette aussitôt déménage.
Et, pour médire à l’aise aux dépens du prochain.
Elle va rejoindre soudain
Ses commères du voisinage.
Le dirai-je ? Hélas ! je connais
Un homme de ce caractère.
Avez-vous des talents, il n’en parle jamais ;
Des défauts, c’est une autre affaire ;
Il tait ce qu’on doit dire, et dit ce qu’on doit taire.
Mais là-dessus point de procès :
A trop de gens j’aurais affaire.
“L’Eléphant, l’Hirondelle et la Pie”