Jean Baptiste François Ernest Chatelain
Au bord de l’Océan un Gars avait construit
Petit château de cailloutage ;
Mais le flot vint, qui, dans la nuit,
Renversant le manoir, aplanit le rivage.
Bâtissons plus haut, dit l’enfant,
Eclairé par l’expérience.
Le voilà de nouveau déployant sa science :
Autant en emporte le vent !
Au sommet du coteau, de colère immobile,
Il voit, un beau matin ;
Les débris dispersés de son palais fragile.
Se croyant, pour le coup, devenu plus habile.
Notre constructeur enfantin
S’établit au loin dans la plaine.
L’aube seule humectait les gazons d’alentour,
Et l’épaisseur de la forêt prochaine,
Interdisant aux vents l’accès de ce séjour,
Semblait devoir garantir son domaine,
Et cette fois protéger son labeur.
Pourtant le pied d’une génisse
Qui s’en allait paissant renversa l’édifice.
Pour le coup mon marmot en pleura de fureur ;
Mais, en esprit tenace, il courut le refaire
Dans le potager de son père.
Quand le diable s’en mêle on sait que rien ne va.
Il eût mieux fait d’en rester là.
Deux taupes au dessous faisant leur lambrissage.
En voulant agrandir leur obscur ermitage,
Minèrent tant, que le château
Tomba par terre de nouveau.
L’adolescent persista-t-il encore
Dans son projet ? . . . Vrai, je l’ignore ;
Mais je remarque à ce propos
Qu’enfants aussi, tous autant que nous sommes
Prétendant au nom de prud’hommes,
Pour un bien passager nous laissons le repos.
L’un bâtit des cités que la flamme consume
Ou que détruit le fer des conquérants ;
L’autre, s’escrimant de la plume,
Invente un beau poème, auquel, après mille ans.
Les plus doctes rhéteurs ne trouvent aucun sens ;
Un troisième, plus fou peut-être,
Sur le bronze grave des lois
Que la naissance d’autres droits
Le lendemain fait disparaître.
Conclusion : Tout croule, et la main d’un mortel
Ne peut créer rien d’immortel !
“L’Enfant constructeur”