Un jeune rat entré dans un vaisseau
En admirait la superbe structure;
A ses yeux jamais la nature
N’avait offert rien de si beau.
« Nous devons bénir à toute heure
Celui qui prépara pour nous cette demeure,
Et dont les soins actifs et généreux
De mets abondants, savoureux.
Le remplit à grands frais. »
Un rat déjà sur l’âge
Et qui sur mer avait fait maint voyage
Interrompit ce discours éloquent.
« Tu te montres reconnaissant :
C’est fort bien fait, dit-il; mais crois-tu que les hommes
Firent exprès pour nous ce navire, où nous sommes
Entrés furtivement? Tourne un peu tes regards :
Examine avec quels égards
On traite un animal à l’épaisse fourrure,
A l’œil hypocrite et sournois :
Or, mon cher fils, ce fin matois
Fut, et sera toujours, par sa nature,
Notre ennemi, notre bourreau.
D’où je conclus que ce vaisseau ,
A l’aspect imposant, à la légère allure,
Ne fut pas construit pour les rats,
Puisqu’avec tant d’amour on y choie les ébats. »
“Les Rats navigateurs”
- Théodore Lorin, 18.. – 18..