Un très-riche marchand, habitant Lunéville
Voulait pour ses bureaux un commis fort habile.
Pour cet emploi vacant il vint trois candidats.
Que trois ! En vérité la chose est surprenante,
Presque toujours en pareil cas
Au lieu de trois on en voit trente.
Le premier presque insolemment
Se présente avec assurance,
Il se croit bien certainement
Un être de grande importance.
—C’est très-bien, mon ami,
Lui dit notre marchand, mais que savez-vous faire ?
—Je suis bon, Dieu merci,
A tout genre d’affaire.
—Oh ! Oh ! Si c’est ainsi, je vous trouve, ma foi,
Et beaucoup trop habile et trop savant pour moi,—
Alors le second se présente
A la manière du serpent,
Sa voix est faible et tremblotante,
Il fait son éloge tout en rampant.
—Sachez-le, mon ami, les gens de votre sorte
Quand j’en trouve chez moi, je les mets à la porte.—
Ainsi dit le marchand en lui tournant le dos.
La leçon était rude et surtout à propos.
A son tour le dernier s’avance,
Il porte un air modeste et doux ;
Il se présente avec l’aisance
Que l’on voudrait trouver chez tous.
—Je me crois apte à satisfaire
Aux exigences de l’emploi,
Mais si vous jugez nécessaire
De m’essayer, essayez-moi.
— Le marchand l’accepta, ce fut là sa réplique.
C’est à vous jeunes gens que m’a fable s’applique
Bassesse et vanité, que ce soit bien compris,
N’engendreront jamais que haine et que mépris.
“Les Trois Jeunes Hommes “