Une Hirondelle, par prudence,
Avait construit son nid au sommet d’un vieux mur.
C’était, dans sa pensée, un asile très-sûr ;
Les ronces, à l’entour, croissant en abondance,
En défendaient l’approche aux enfants maraudeurs,
Et, pour atténuer du soleil les ardeurs,
Une touffe de lierre en ombrageait le faîte.
Tranquille enfin et satisfaite,
Croyant n’avoir plus rien à redouter,
La trop confiante Hirondelle
Etait bien loin de se douter
Qu’un terrible ennemi gîtait à deux pas d’elle.
A quelques pieds seulement de l’oiseau,
Au fond d’une crevasse, une vieille Vipère
Avait, depuis longtemps, établi son repaire.
Par l’ouverture allongeant son museau,
Sur le nid elle fixe un œil plein de malice,
Et dit : —« Petite, couve en paix !
» Que tout se passe et s’accomplisse
» Suivant tes chers désirs ; nous aimons les œufs frais,
» Et leur dirons deux mots dans un moment propice. »
Un jour, tout dans le nid semblait silencieux :
— « On dort là-haut, fit l’affreuse coquine ;
» Allons ! l’instant est précieux,
» Faisons notre visite à la bonne voisine… »
Vers la crête du mur aussitôt le serpent,
Pour surprendre le nid se dirige en rampant.
Mais point ne dormait la vigie :
Sans se préoccuper de son propre danger.
Puisant dans sa tendresse un surcroît d’énergie,
L’Hirondelle, aux abois, tente de déloger,
A coups de bec, le dangereux reptile…
Infructueux efforts ! dévouement inutile !
Par le serpent mordu, l’oiseau tout pantelant,
Pour conjurer l’effet du venin malfaisant,
Guidé par l’instinct de nature,
Venait chercher sur le gazon
Dans le suc d’une fleur remède à sa blessure,
Et trouvait l’antidote à côté du poison ;
Puis, recouvrant une vigueur nouvelle,
Il retournait combattre de plus belle.
Passait un Médecin fameux,
Grand amateur de Botanique,
Qui, depuis vingt-cinq ans, cherchait un spécifique
Contre les serpents venimeux.
Etonné, le savant s’arrête,
Et prenant une pierre, il la lance à la tête
De la Vipère, atteint l’horrible bête,
Qui vient au pied du mur se rouler et mourir.
— « Ce que mes longs travaux n’ont pas pu conquérir,
Dit le Docteur rempli d’une pensée amère,
» D’un faible oiseau l’instinct a su le découvrir ;
» Ô savoir ! n’es-tu donc qu’une vaine chimère ?… »
“L’Hirondelle, la Vipère et le Naturaliste”