Chaque soir un blaireau, de retour au terrier,
S’enlevait le marcel et partait injurier
Sa petite famille, enfants et bonne femme,
Qui subissaient ainsi ce constant mélodrame.
Après cette invective, il en venait aux gnons,
Et chacun dégustait sous ses coups furibonds.
Pour couronner le tout, il poussait des beuglantes
En rentrant au bercail à six heures frappantes.
« Qui c’est le chef ici ? » demandait-il bien fort,
Tout en n’oubliant pas de les cogner encor. (1)
La scène chagrinait ceux de la galerie
Qui rehaussaient le son pour suivre leur série,
Et pariaient ensuite au sujet des couleurs
Qu’iriseraient les yeux de ses sparring-partners :
« Elle doit aimer ça. », « C’est ce qu’elle mérite. »
Disait-on sans penser que la rouste prescrite
Touchait les blaireautins, ces enfants de salaud,
Qui priaient tous les soirs pour qu’il reste au boulot.
Mais ces cris, un beau soir, parvinrent à l’oreille
D’un Schtroumpf qui recherchait de la salsepareille.
Le Schtroumpf se demanda comment ce vil blaireau
Pouvait en arriver à devenir bourreau :
« Chez nous, le Schtroumpf costaud s’adonne à la mandale.
Mais il n’en colle pas dans sa vie maritale ;
En tant que Schtroumpf curieux, j’aimerais bien savoir
S’il s’agit de fureur ou bien de désespoir. »
Il le suivit alors, tôt dans la matinée,
Découvrant que ce fou, seigneur de la tournée,
Travaillait à la mine où son patron noirci
Hurlait à tout propos : « Qui c’est le chef ici ? »
Servile et timoré, perdant sa mine fière,
Le blaireau devenait un fayot de première.
Le Schtroumpf qui redoutait le chat de Gargamel
Se dit que de la peur naissait le caramel,
Mais qu’il fallait aussi le ferment nécessaire
Pour que ce sentiment se transforme en colère.
Il retourna chez lui, tout en se promettant
Qu’il ne tomberait pas dans ce travers frappant.
Se venger sur autrui de sa propre faiblesse,
Plus que médiocrité, c’est de la petitesse.
“Un petit blaireau”