Le pigeon blanc
Distractions d’un financier
Un Pigeon blanc qu’avec un soin particulier
Élevait, nourrissait une bonne fermière,
Un jour quitta son colombier.
Sans doute il n’avait pas les bons conseils d’un frère !
Il va chez le voisin, et l’oiseau familier
Se promenait dans le parterre ;
Un enfant l’aperçoit et lui jette une pierre
Dont il eût pu l’estropier.
Le Pigeon s’envola sans regarder derrière.
L’enfant plus tard prit l’état militaire
Et devint un bon officier ;
Mais dans les hasards de la guerre,
Un jour, il fut fait prisonnier.
Il n’était pas bien loin sur la rive étrangère,
Tout en face de Kehll, dans un fort il fut mis ;
Et le fleuve du Rhin forme seul la barrière
Entre la France et le Badois pays.
Dès que son sort est connu de sa mère,
Elle aimait tendrement son fils,
Elle quitte aussitôt Paris,
Elle arrive à Strasbourg là souvent sur la plage
On la voyait s’asseoir la lorgnette à la main :
Elle aperçoit son fils sur le donjon lointain :
Et veut le tirer d’esclavage.
Le fort était placé sur le bord du rivage :
Elle traversera le Rhin
Pour son fils une mère a toujours du courage !
Elle ira sous le fort, et l’officier soudain
Se jetant sans crainte à la nage
Par elle délivré bénira son destin.
Le projet est fort bon, mais pour qu’il réussisse
Il faut que l’officier soit d’abord prévenu,
Afin qu’à son tour il puisse
Se préparer au moment convenu.
Rien n’était plus facile : une bonne fermière,
Depuis un certain temps venu en ces cantons,
Avait su dresser des pigeons
Qui traversaient le Rhin, et, d’une aile légère.
Allaient porter dans les donjons
Les vœux et les commissions.
Un pigeon portant sous son aile
L’ordre du jour du prisonnier
Part, et dans sa course fidèle
Vint s’arrêter tout droit devant notre officier ; ….
Mais reconnaissant l’écolier
Qui le frappa jadis d’une pierre cruelle,
L’oiseau repart à tire d’aile,
Rentre avec le billet au fond du colombier.
Et le Français un an demeura prisonnier.
Distractions d’un financier.