Gabriel de la Concepción Valdés
Las de courir le monde et de souffrir à ciel découvert les intempéries des saisons, un bouc (sauf respect) eut l’idée de se bâtir un gîte dans la forêt. Il fit choix d’un site agréable, creusa un trou et s’en alla. En revenant le jour suivant pour creuser les trois qui lui restaient à faire, afin d’y planter quatre poteaux, il trouva le second trou fouillé. Cette vue le remplit de surprise. Néanmoins il se décida ù la fin à faire le troisième, puis il s’en alla. Au retour, il vit le quatrième terminé, apporta son poteau et le planta. Finalement, sans savoir d’où ni comment lui venait cette aide, — les ouvriers jamais ne se voyant, — il continua la case dont les travaux marchaient rapidement et qui fut promptement achevée. Réfléchissant à part lui, le bouc se dit à plusieurs reprises : — « Bien sûr, mon collègue sera quelque agneau. »
Un jour d’orage, le bouc descendit de la montagne et, non sans quelque défiance, rentra au logis. Il passa le soir à attendre son mystérieux camarade, jusqu’à ce qu’enfin celui-ci parut. Ce fut le moment des frayeurs. Par la brèche qui formait la porte, un féroce lion montra son énorme tête et dit : « Compagnon, bonne nuit. » Le pauvre bouc alors maudissait l’existence, et ses membres tremblaient comme du vif-argent.— « Je vous la souhaite bien bonne, » répondit-il d’une voix faible. Le fier roi des forêts, s’apercevant de sa frayeur, lui dit : « Nous sommes, amis, ne craignez rien, soyez tranquille. A partir de demain, chaque fois que le soleil dorera le ciel, chacun de nous sortira à son tour pour aller chercher les provisions nécessaires à tous les deux. —Comme il vous plaira, » dit le bouc. Puis il ajouta en lui-même : « Oui, une fois dehors, nous verrons qui m’y reprendra.» Le jour vient; le lion dit : «Je vais chercher les vivres. » L’ami s’en allait déjà prendre sa course, quand il voit l’autre revenir apportant un bouc. Le repas mis à terre, le lion dit : ” Compagnon, décide-toi ; meurs ou mange. » Le cas était grave. En présence d’une proposition aussi nette, que restait-il à faire ail pauvre diable que de manger du bouc?
Ce fut son tour le jour suivant. Il s’échappa sans bruit de grand matin, disant : « Du diable si je reviens jamais dans ces parages! »A peine avait-il couru quelque peu qu’il entendit des coups de feu dans la montagne. Non loin de là il vit un lion tué par des chasseurs. Tout à coup il survint au bouc une de ces inspirations dont l’étonnante hardiesse exalte celui qui les met en pratique. 11 ficha ses cornes dans la blessure et, tirant son butin après lui, il l’apporta à la case, où était tranquillement le noble animal. « Compère lion, cria le bouc en relevant le front et en le menaçant de ses cornes, décide-toi; meurs ou mange. » Surprise, la bête féroce obéit à l’ordre et mangea, quoique à regret. Quand elle le put, elle s’échappa en se disant :— «On n’en saurait douter ce barbu dos forêts est à coup sûr protégé par les dieux. » Depuis lors nulle bête féroce n’osait s’aventurer dans les environs de la case, par respect pour le bouc tueur de lions.
Combien de gens dans notre monde qui, tels que ce bouc, grâce à un heureux hasard, sont tenus pour grands hommes !
“Une heureuse Inspiration”