Volant et Mouchar
Volant, chien, Danois d’origine,
Et grand fripon de son métier,
Chez son maître un matin vola dans la cuisine
Un gros aloyau presqu’entier.
( La cuisinière étoit sortie )
Volant ,dans un coin du jardin,
Va se cacher pour faire un excellent festin.
A l’odeur de la chair rotie,
Mouchar (c’est un Jeune épagneul)
Le suit, le joint et lui demande
S’il voudroit ne pas dîner seul.
Volant, quoique de race affamée et gourmande,
Pour convive accepte Mouchar,
Il lui devoit bien cela, car
Mouchar étant à la mamelle
L’avoit plus d’une fois admis à sa gamelle,
Tandis que, d’une et d’autre part,
Le couple de mangeurs travaille,
Arrache, déchire et tiraille,
La cuisinière Margoton
Rentre, n’apperçoit point son aloyau, le cherche,
Devine bientôt son fripon,
S’arme d’une assez longue perche,
Va dans la basse-cour, à l’étable, au jardin,
Y trouve les gourmands, lève la gaule; zeste,
Volant franchit le mur. Mouchar n’est pas si leste,
Pan, pan, pan, sur son maroquin :
” Vous en aurez , vilaine bête,
” Vous en aurez pour deux, maudit chien de mâtin
Après cette diable de fête,
Le pauvre Mouchar, en rampant ,
En se traînant, en gémissant,
Va trouver sa mère ; avec honte,
D’un bout à l’autre lui raconte
Son aventure et son malheur.
La sage et prudente Cybelle
Le gronde encor, ” Mon fils, dit-elle,
” Devois-tu prendre part au butin d’un voleur ?—
” Mais quand je lui donnois moitié de ma pitance ,
” Vous ne m’avez rien dit.—Tu faisois ton devoir,
” Tu soulageois son indigence.
” Il n’est pas pour donner grand besoin de prudence,
” Mais il en faut pour recevoir.
” Apprends, mon fils ,apprends quelle est la différence.
” Donne au premier venu, donne à qui tu voudras;
” Mais choisis bien les gens de qui tu recevras.”
“Volant et Mouchar”