Yannick Nédélec
Comédien, poète et fabuliste XXº – Yannick Nédélec est devenu fabuliste
Comment suis-je devenu fabuliste ?

Quand j’étais élève comédien au cours de Jean-Laurent Cochet, je travaillais beaucoup l’interprétation des fables de La Fontaine. Comme tout le monde, puisqu’un comédien doit dire des fables comme un musicien doit faire des gammes. Une fable concentre en si peu de vers tant de choses de l’art de la comédie : une situation, des personnages, un sentiment, de l’éloquence, un phrasé précis… Et puisque j’écrivais déjà des sketches, des chansons et même des pièces de théâtre, j’ai essayé d’écrire quelques fables. Un jour, dans le cours, je me suis permis de dire sur scène une de mes fables, sans prévenir. Le maître a d’abord cherché de qui pouvait être ce texte inconnu :
“La Fontaine ? Non, bien sûr (il les connait toutes). Florian ? Non, ce n’est pas le style. Anouilh ? Peut-être… Hein? C’est de toi, Yannick ?!” Et avec un grand sourire épaté, il a simplement conclu : “Continue”. Du coup, bien sûr, j’ai continué.
Tout ce que j’écris, à priori, est fait pour être dit sur une scène, et pas seulement lu en silence dans l’intimité et l’anonymat. Et donc il s’est posé la question de produire un spectacle de fables. “La revanche du corbeau” est ainsi né en 2005, et tout de suite le public a été enthousiasmé. Un public clairsemé, bien sûr, car hélas quand on annonce un spectacle de fables modernes, on se heurte à une méfiance et une indifférence certaines. Mais j’ai eu la confirmation de ce que j’espérais : on peut faire rire, émouvoir, applaudir, captiver un auditoire sans aucune lassitude pendant une heure et quart avec des fables. Si elles sont finement écrites et interprétées, évidemment. Puis un éditeur (Thot) a accepté de publier un premier recueil, qui se vend comme du petit pain à la fin des spectacles ! Et pour compléter l’œuvre naissante, je me suis donné une contrainte d’écriture terrible en 2009 : une fable par semaine, génie ou pas ! Et c’est ainsi qu’est né “La démarche du crabe”.
Au début, pour se faire la main, on commence par pasticher les fables célèbres. Ça plait toujours, les gens appréciant de reconnaître l’original et de découvrir sa transformation malicieuse. Mais il m’est rapidement apparu nécessaire de me démarquer des maîtres anciens et de travailler à construire des fables originales, personnelles dans les sujets comme dans le style. Il est certes prétentieux de vouloir renouveler un genre, mais la passion de créer l’emporte largement sur le plaisir de copier !
Yannick Nédélec est devenu fabuliste ?, Yannick Nédélec, décembre 2012.