J’ai dit, je m’en souviens lecteur,
J’ai dit en certain épilogue
Qui suit ce calomniateur,
Sujet d’un récit enchanteur
Dont je ne suis pas l’inventeur :
Voilà mon dernier apologue.
C’était le dernier en effet.
Le dernier qu’alors j’avais fait,
Mais non pas que je dusse faire.
A s’occuper d’une autre affaire
Mon esprit qui se résignait,
En cédant à la conjoncture,
Au livre mettait le signet,
Sauf à reprendre la lecture.
Ami, moi je renoncerais,
Au conte, aux Tables, à l’histoire,
A tout caquet ! j’en jurerais,
Que tu ne pourrais pas m’en croire.
Pour moi, conter est un besoin.
Triste ou gai, dispos ou malade,
Il distrait de tout autre soin
Mes veilles ou ma promenade.
Et puis, c’est un droit du vieillard.
Nestor en usa, Dieu sait comme.
Sans valoir en tout ce grand homme,
Je me crois tout aussi bavard.
Affranchi de toute autre envie,
J’achève, en bavardant, la vie.
Fleuve qu’on ne peut remonter !
Agir me plairait davantage ;
Mais, hélas ! que faire à mon âge.
Si ce n’est rêver et conter ?
“Antoine Arnault – Prologue”