Un critique, jaloux d’un célèbre poète,
Dans un ouvrage a soin de recueillir.
Ici la faute qu’il a faite,
Et là le vers qu’il pouvait mieux polir.
Travail minutieux, ridicule entreprise!
Au dieu des vers, dit-il, j’en veux faire présent;
Mon livre instruit en amusant :
A le rendre public il faut qu’il m’autorise.
Apollon le reçoit très-bien,
Lit son ouvrage et ne dit rien ;
Mais de la peine qu’il a prise
Il veut en connaisseur sage, éclaire’, prudent,
Le payer convenablement.
Dans cette vue, il lui présente
Un monceau de blé non vanné.
Le critique est fort étonné;
En effet, l’aventure est assez surprenante.
Je veux , dit le docte Apollon ,
Que vous me sépariez le blé d’avec la paille :
Mettez la paille à part…. Le critique travaille ;
Jugez si le travail fut long !
Faire un libelle, une satire
Contre les écrivains que tout le monde admire,
Eut moins coûté de tems et d’application.
Enfin, lorsqu’il eut fait la séparation,
Il s’attendait à quelque bonne aubaine :
Apollon lui donna la paille poux sa peine.
“Apollon et la Critique”