On ne peut plaire à tout le monde
A moins que d’être un louis d’or;
Car dans notre machine ronde
Plus on on a déjà, plus on on veut encor.
Donc ce modeste et simple ouvrage
Ne se flattera point d’avoir cet avantage,
Pas plus que de passer à la postérité ;
L’auteur sera content, d’abord de votre estime,
Puis d’avoir, grâce à vous, à la poste hérité (1),
Pour fruit de son travail, d’une somme minime,
Vu qu’il n’aspire pas à devenir cossu.
Mais, lecteur bénévole, en même temps sagace,
L’un n’empêche pas l’autre, ou je suis bien déçu,
Vous êtes bien trop perspicace
Pour ne vous être pas dès longtemps aperçu
Que je faisais de la satire,
De fables on prenant le très-modeste nom.
Ce n’était pas le cas de prendre ici la lyre ;
Quoique certains disent que non,
Le style familier était seul de saison.
Mes satires de plus étant toutes morales,
C’est sur les préjugés et les illusions,
Et les vices et les scandales,
Bref sur toutes les passions ,
Sur tant d’ignobles saturnales
Et de sottes prétentions
Que je porte mes coups, sous des allusions
De bêtes de toute nature;
Et le réalisme aura beau
De ces vices nous faire un séduisant tableau,
Même une idéale pointure,
Moi, je les montre ce qu’ils sont :
Or ces vices ne sont qu’une caricature
Digne de toute flétrissure,
Quoique de les louer dos autours aient le front.
Mais quand les vices je talonne,
Je ne lais de tort à personne,
Et cela ne vous peut aucunement froisser,
Chacun très-libre étant d’en prendre ou d’en laisser.
Les vices ne font pas corps avec l’Âme humaine,
Qui peut bien s’en débarrasser,
Comme on cherche à briser une pesante chaîne ;
Mais les trouver gentils, et les chérir ! jamais !
Pour le faire, il faut être hypocrite ou niais.
Permettez, s’il vous plaît, donc, que je continue :
Mieux vaut la vérité, fût-elle toute nue,
Que le mensonge, même habilement paré,
Orné de mille fleurs, et d’or tout chamarré.
Contre lui tenons-nous en garde.
Sur ce, très-cher lecteur, que le bon Dieu vous garde.
(1) Horrible calembours dont je ne suis pas l’auteur. Je le mets ici pour ceux qui ne le connaissent pas. Au Lecteur