Au lecteur
Dire que je n’ai eu nullement la prétention de découvrir le secret que l’immortel bonhomme n’a encore laissé à personne, est chose trop évidemment démontrée par l’imperfection de mes faibles essais, pour que la sincérité de mon aveu puisse être mise en doute.
Un autre motif m’a fait entreprendre cette tâche trop au dessus de mes forces pour la remplir dignement. La faiblesse qui m’a entraîné trop facilement à suivre les conseils de quelques amis, à qui l’idée de faire la Contre-partie des Fables de La Fontaine, avait paru assez neuve, est la seule cause qui m’a jeté dans cette entreprise. Quant au but, je me suis dit : il ne serait peut-être pas sans quelque intérêt de se servir des mêmes sujets, d’employer les mêmes acteurs pour chercher à établir, par un contraste, une philosophie dont le sens et la morale plus appropriés à nos goûts, et à nos mœurs, cacheraient des leçons aussi amusantes qu’instructives (1). C’est la persuasion d’une telle possibilité qui a soutenu mes efforts ; puisse-t-elle être un titre suffisant pour faire envisager avec indulgence la forme dont je me suis servi pour revêtir ma pensée !
Quant à l’interprétation du sens attaché à la formule : Contre-partie , j’ai cru pouvoir le motiver de trois manières différentes, savoir : En intervertissant le rôle ou le jeu des acteurs; en tirant de ce changement une conséquence contraire ; en donnant un autre but à la morale.
Dans la versification, si j’ai multiplié les licences admises dans ce genre d’ouvrage, entre autres, celles de l’emploi des petits vers et des enjambements, c’est dans le but de donner plus de rapidité à la narration, et plus de variété à la forme de la pensée ; d’ailleurs, je n’ai fait que suivre en cela l’exemple donné par beaucoup de fabulistes depuis La Fontaine.
(1) J’ose même croire que les Fables de La Fontaine ne sont pas le seul ouvrage dont on puisse tirer parti de la même manière.
Charles Beaulieu 18??-????