Recognoistre le bien faict.
Nous devons estre diligentz
A recognoistre les biens faictz
Qui par les aultres nous sont faictz
C’est la loy et le droict des gentz.
De la Formis et de la Columbe
Une Formis alloit à la fontaine
Ayant grand soif, et, comme elle beuvoit,
Cheut dedans l’eaue par fortune soudaine.
Sur la fontaine ung bel arbre y avoit
Et la Columbe estoit dessus perchée,
Qui la Formis dedans l’eaue nager void.
La voyant donc en l’eaue si empeschée
Se submergeant, luy jecta une branche
Que de son bec elle avoit arrachée.
Lors la Formis à son pouvoir l’eaue tranche
Et au rameau se joignit et saulva,
Remerciant une bonté sy franche.
Ung peu aprés l’oiselleur arriva,
Et ses filiez auprès d’illec tendit,
Ses chalumeaux aussi sonner il va.
Et ce pendant qu’à prendre il entendit
Celle Columbe, alors soubdainement
Vint la Formis qui au pied le mordit.
Lors, pour ce mal receu si promptement,
Jecte ses rethz et chalumeaux à terre,
Dont la Columbe eut peur et tremblement.
Pour la frayeur s’en volla à grand erre,
Et la Formis remercia bien fort,
Qui son salut estoit venu acquerre.
Qui secourir aultruy faict son effort
Le delivrant de peril et d’angoisse,
Et puis il tumbe en quelque desconfort,
C’est bien raison qu’après on le cognoisse.
“De la Formis et de la Columbe”
- Gilles Corrozet (1510 – 1568)