Un escarbot sortant de son fumier vit un aigle qui prenoit son vol dans les nues : le sale insecte en fut jaloux, a Eh! pourquoi, se dit-il k lui-même, ce fier oiseau a-t-il reçu de la nature une destinée si brillante, tandis que moi je ne fais presque que ramper? Après tout, s’il a des ailes, n’en ai-je pas aussi ? S’il est grand et fort, n’ai-je pas le corps beau et luisant? C’en est fait, je renonce à mon fumier, et veux désormais vivre et voler comme lui. »
Tandis qu’il arrangeoit dans sa petite tète ses nouveaux projets, l’oiseau roi s’abattit à terre et vint se reposer assez près du fumier. L’escarbot saisit l’occasion; il prend son essor, saute par-dessus l’aigle, et pousse de joie un vilain cri aigre pour célébrer sa prouesse. Le reste de la journée il en fut tout fier; mais sur le soir, la faim l’ayant pris, il fut obligé de retourner à son ordure, et renonça à toutes ses idées de grandeur.
Ceci est l’image de ce qui arrive à certains ambitieux sans mérite. Jaloux de ceux qu’ils voient s’élever, ils veulent comme eux prendre aussi leur vol, mais c’est l’histoire de l’escarbot, bientôt la nature les ramène à la fange d’où ils sont sortis.
“De l’Escarbot”