Un beau jeune homme aimait si fort une Chatte, qu’il pria Venus d’en faire une Metamorphose en Femme. La Déesse exauça donc sa prière , transforma cet Animal en une fille d’excellente beauté. Ce pauvre fol fut à même temps si passionnement épris de son amour, que sans user de plus long delai, il la mena droit à son logis , pour en avoir la jouissance. Mais comme ils furent tous deux au lit , Venus voulant éprouver si le changement de forme ne lui aurait point aussi fait changer de naturel, lâcha exprés un Rat dans la chambre. Alors cette froide Amante ne se souvenant plus, ni de la Couche nuptiale, ni de celui qui était avec elle, se jetta du lit en bas, et se mit à poursuivre le Rat, pour le manger : ce qui fut cause que la Déesse irritée, voulut qu’elle reprit sa première forme.
Autre version
” La Chatte et Aphrodite “ – Une chatte, s’étant éprise d’un beau jeune homme, pria Aphrodite de la métamorphoser en femme. La déesse prenant en pitié sa passion, la changea en une gracieuse jeune fille ; et alors le jeune homme l’ayant vue s’en amouracha et l’emmena dans sa maison. Comme ils reposaient dans la chambre nuptiale, Aphrodite, voulant savoir si, en changeant de corps, la chatte avait aussi changé de caractère, lâcha une souris au milieu de la chambre. La chatte, oubliant sa condition présente, se leva du lit et poursuivit la souris pour la croquer. Alors la déesse indignée contre elle la remit dans son premier état.
Pareillement les hommes naturellement méchants ont beau changer d’état, ils ne changent point de caractère.
Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
La Chatte métamorphosée en Femme
Un homme chérissait éperdument sa chatte ;
Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,
Qui miaulait d’un ton fort doux.
Il était plus fou que les fous.
Cet homme donc, par prières, par larmes,
Par sortilèges et par charmes,
Fait tant qu’il obtient du destin
Que sa chatte, en un beau matin,
Devient femme, et, le matin même,
Maître sot en fait sa moitié.
Le voilà fou d’amour extrême,
De fou qu’il était d’amitié.
Jamais la dame la plus belle
Ne charma tant son favori
Que fait cette épouse nouvelle
Son hypocondre de mari.
Il l’amadoue, elle le flatte;
Il n’y trouve plus rien de chatte,
Et poussant l’erreur jusqu’au bout,
La croit femme en tout et partout,
Lorsque quelques souris qui rongeaient de la natte
Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés.
Aussitôt la femme est sur pieds.
Elle manqua son aventure.
Souris de revenir, femme d’être en posture :
Pour cette fois, elle accourut à point ;
Car ayant changé de figure,
Les souris ne la craignaient point.
Ce lui fut toujours une amorce,
Tant le naturel a de force.
Il se moque de tout, certain âge accompli:
Le vase est imbibé, l’étoffe a pris son pli.
En vain de son train ordinaire
On le veut désaccoutumer :
Quelque chose qu’on puisse faire,
On ne saurait le réformer.
Coups de fourche ni d’étrivières
Ne lui font changer de manières ;
Et fussiez-vous embâtonnés,
Jamais vous n’en serez les maîtres.
Qu’on lui ferme la porte au nez,
Il reviendra par les fenêtres.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)