Les Loups et les Brebis, après une longue et sanglante guerre, firent une espèce de trêve, dans laquelle ils convinrent de se donner des otages de part et d’autre. Les Brebis consentirent de livrer leurs Chiens. Les Loups donnèrent aux Brebis leurs Louveteaux, qui, étant devenus plus grands, se jetèrent sur les Brebis, et les dévorèrent sans résistance, parce qu’elles n’avaient plus leurs Chiens pour venir à leur secours. Les Loups de leur côté dévorèrent les Chiens qui ne se tenaient point sur leurs gardes, et qui vivaient en assurance sur la bonne foi du traité.
moi qui ronge le fer, et qui peux mettre en poudre l’enclume que tu n’as pu seulement entamer ? “
Autre version
” Les Loups et les Moutons “ – Des loups cherchaient à surprendre un troupeau de moutons. Ne pouvant s’en rendre maîtres, à cause des chiens qui les gardaient, ils résolurent d’user de ruse pour en venir à leurs fins. Ils envoyèrent des députés demander aux moutons de livrer leurs chiens. C’étaient les chiens, disaient-ils, qui étaient cause de leur inimitié ; on n’avait qu’à les leur livrer ; et la paix régnerait entre eux. Les moutons ne prévoyant pas ce qui allait arriver, livrèrent les chiens, et les loups, s’en étant rendus maîtres, égorgèrent facilement le troupeau qui n’était plus gardé.
Il en est ainsi dans les Etats : ceux qui livrent facilement leurs orateurs ne se doutent pas qu’ils seront bientôt assujettis à leurs ennemis.
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Les Loups et les Brebis
Après mille ans et plus de guerre déclarée,
Les loups firent la paix avecque les brebis.
C’était apparemment le bien des deux partis:
Car, si les loups mangeaient mainte bête égarée,
Les bergers de leur peau se faisaient maints habits.
Jamais de liberté, ni pour les pâturages,
Ni d’autre part pour les carnages:
Ils ne pouvaient jouir qu’en tremblant de leurs biens.
La paix se conclut donc: on donne des otages:
Les loups leurs louveteaux; et les brebis leurs chiens.
L’échange en étant fait aux formes ordinaires,
Et réglé par des commissaires,
Au bout de quelque temps que Messieurs les Louvats
Se virent loups parfaits et friands de tuerie,
Ils vous prennent le temps que dans la bergerie
Messieurs les Bergers n’étaient pas,
Etranglent la moitié des agneaux les plus gras,
Les emportent aux dents, dans les bois se retirent.
Ils avaient averti leurs gens secrètement.
Les chiens, qui, sur leur foi, reposaient sûrement,
Furent étranglés en dormant:
Cela fut sitôt fait qu’à peine ils le sentirent.
Tout fut mis en morceaux; un seul n’en échappa.
Nous pouvons conclure de là
Qu’il faut faire aux méchants guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi;
J’en conviens; mais de quoi sert-elle
Avec des ennemis sans foi?
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Le Loup et les Brebis
Au beau langage ne croiras
De gens que tu ne connaîtras.
Au méchant point ne te fieras,
Sinon mal tu t’en trouveras.
Un loup rôdant le soir près d’une bergerie,
A travers les fentes du bois
Vit une brebis endormie.
De la croquer il avait bonne envie :
Comment s’y prendre toutefois,
Sans troubler ni des chiens ni du berger le somme ?
Il fallait donc ruser; il le fit, voici comme :
« Ma sœur, dit-il, adoucissant sa voix,
» Quoi ! vous dormez, quand la nuit est si belle ?
» Pourquoi rester chez vous à mourir de chaleur,
» Quand dehors on respire une aimable fraîcheur,
» Dont tout le corps d’aise se renouvelle ?
» Venez, j’ai vu Diane elle-même » en secret,
» Des célestes parvis descendre en ce bocage,
» Pour jouir des douceurs de son riant ombrage.
» Venez donc, ô ma sœur, vous n’en aurez regret;
» Car apprenez encor que ce soir philomèle
» Fait entendre des chants si doux, si gracieux,
» Qu’on n’en saurait ouïr de plus mélodieux :
» Au doux plaisir qui vous appelle,
» Rendez-vous, croyez-moi. » Elle sort. A l’instant,
Mon loup la croque à belle dent.
Chez le méchant, un doux langage,
Hélas ! de quelque piège est trop souvent le gage.
- Joseph Hüe – 1800 – 1836