Un Berger trouva un Louveteau que la Louve avait abandonné ; il le prit et l’emporta dans sa cabane ; là, il le nourrit, et l’éleva parmi les Chiens qui gardaient son troupeau. Il aurait beaucoup mieux fait de l’assommer, car le Louveteau, qui d’abord n’avait fait aucun mal tant qu’il s’était senti faible, ne fut pas plutôt Loup, qu’après avoir étranglé les Chiens, pendant que le Berger dormait, il courut se jeter sur les Brebis, et les mit toutes en pièces..
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Berger et le Louveteau
Certain Berger avoit un Louveteau,
Il prélendoit, selon sa conjecture,
Par l’éducation, corriger la nature;
Il s’en servit un jour à garder son troupeau.
Dans ce dessein, Guillot l’amadoue et le flatte :
Pour l’instruire il n’épargne rien,
Tant qu’il le rend docile comme un Chien.
Il rapporte, il donne la patte.
Le Berger en est enchanté,
Et sent croître son espérance.
Les animaux dans leur enfance
Sont encor sans malignité.
Le naturel, comme le dit Esope,
Avec l’âge se développe.
Le Louveteau docile, apprivoisé,
Quand il fut grand, se fit connoître,
Pour digne fils d’un Loup ; et devenu rusé,
Perfide, ingrat envers son Maître,
Quand ses frères les Loups, prenoient une brebis,
Avec les Chiens il leur donnoit la chasse,
Et couroit de fort bonne grâce :
Mais les Chiens fatigués, retournant au logis,
Il joignoit les voleurs, et partageoit la proie
En qualité de Loup, s’en donnant au cœur joie.
Si le matois rencontroit par hasard
Un Mouton paissant à l’écart,
Il l’étranglait à la sourdine,
Et le mangeoit avec les Chiens,
Dévenus aussi des vauriens
Par le mauvais exemple. Enfin on l’examine,
Le galant est pris sur le fait,
Dévorant un Agneau. Ce fut le dernier trait
De cet escroc. Il paia de la vie
Ses larcins et sa perfidie ;
Il fut pendu par le Bergor.
Un mauvais naturel ne se peut corriger.
- Henri Richer – 1685 – 1748)
Le Berger et Le Louveteau
Un Berger découvrit un Louveteau
Qu’une Louve avait abandonné ;
Il le prit chez lui et, sans s’être raisonné,
Le mit parmi les Chiens gardant son troupeau.
Il aurait mieux fait, et pour beaucoup,
De passer son chemin,
De le laisser à son destin
Car il ne fut pas plutôt Loup
Qu’il étrangla les Chiens pendant leur sommeil ;
Comme nul bruit ne mit le Berger en éveil,
Ne le sortit de son logis,
Le jeune Loup, devenu intraitable,
Se précipita à l’étable
Pour y mettre en pièces les Brebis.
Soyez charitable,
Apportez aide et amitié,
Partagez votre table
Et, maintes fois, sans pitié,
Ce bienfait sera nié !
- David Claude – (fabuliste contemporain)
“Du Berger et du Louveteau”