Certain jour un Chien fort gourmand,
Ayant volé furtivement
De la chair chez une Bouchère,
Voulut traverser la rivière
Pour aller de l’autre côté;
La dévorer en sureté,
Quand il se fut mis à la nage,
Dans les eaux voyant son image,
Il crût voir un autre mâtin
Comme luy chargé de butin.
Cet aspect redoubla sa joye,
Croyant à & premiere proye
En ajouter une seconde ;
Mais lâchant son morceau dans l’onde
Pour ravir l’autre au nouveau Chien,
Il fut bien sot quand il n’eut rien.
De ces gens l’on voit un grand nombre
Qui tout ainsi que nôtre Chien,
Quittent fort souvent un vray bien
Pour ne courir qu’après son ombre.
« Du Chien et de son ombre »
François Gacon, 1667 – 1725