Du Clerc qui se cacha derrière un coffre
Une bourgeoise du Hainaut, jolie et d’humeur peu farouche, était à table un soir, en l’absence de son mari, avec un clerc beau garçon, quand tout-à-coup ils entendent frapper. Elle fait cacher le clerc derrière un coffre et va ouvrir. C’était un second amant qui, trouvant une table toute servie , s’y asseyait sans façon et engage la dame à lui tenir compagnie. D’abord elle fait triste mine, parce que le clerc s’embarrassait; mais bientôt elle prend son parti et soupe gaîment. Un instant après, le mari frappe. La bourgeoise enlève promptement les plats, dresse la table contre le mur et cache son second favori par-derrière. Quand l’époux est entré, elle lui montre beaucoup d’humeur, dans le dessein de le forcer à aller se coucher. Comme il n’en est nullement ému et qu’il demande à manger, elle l’accable d’injures. «Oh! oh! dit-il, je vois qu’il y a ici quelqu’un qui veut paver « mon souper. » En même temps il menaçait sa femme du doigt. Ce signe se faisant en face du coffre, le clerc croit qu’il est pour lui. « Vous « avez tort de vouloir que je paie le souper à moi tout seul, dit-il en se montrant, celui « qui est derrière la table en doit au moins la « moitié. »
Notes :
Dans les Facctioe Frischlini, page 161, la femme fait cacher un des amants sous le lit, et un autre au-dessus. L’époux, en rentrant, se plaint d’avoir perdu au jeu et dit que celui qui est en haut (Dieu) le lui rendra. Le galant, qui est sur le ciel du lit, répond que celui qui est dessous doit en payer sa part.
Se trouve ainsi dans les Cent Nouvelles nouvelles de la cour de Bourgogne.
Et dans les Contes de Grécourt.
Dans les Joci ac Sales Ottomari Luscinii, au lieu du mari, c’est un troisième amant qui arrive. La femme lui demande qui élèvera son enfant, si elle en a un. Il répond, comme ci-dessus, que c’est celui qui est en haut, et l’homme placé sur le ciel du lit prétend qu’il ne doit en payer qu’une partie.
“Du Clerc qui se cacha derrière un coffre” , Recueil de Méon, tome I, page 165.