“Du jeune Homme et de la Fortune” – Un jeune Homme s’était couché sur le bord d’un puits : pendant qu’il y dormait, la Fortune passa. Celle-ci n’eut pas plutôt reconnu le danger où l’autre était, qu’elle courut à lui, et le tira par le bras. ” Mon fils, lui dit-elle en l’éveillant, si vous étiez tombé dans ce puits, on n’aurait pas manqué de m’en imputer la faute. Cependant, je vous laisse à penser si c’eut été la mienne ou la vôtre. “
Autre version:
“Le Voyageur et la Fortune” – Un voyageur, ayant fait une longue route, et se trouvant recru de fatigue, se laissa tomber sur le bord d’un puits et s’endormit. Il allait à coup sûr tomber dedans, quand la Fortune, s’étant approchée de lui, l’éveilla et lui dit : « Hé, l’ami ! si tu étais tombé, ce n’est pas ton imprudence, c’est moi que tu en aurais accusée. »
C’est ainsi que beaucoup de gens, tombés dans le malheur par leur faute, en accusent les dieux.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
la Fortune et le jeune Enfant
Sur le bord d’un puits très profond
Dormait, étendu de son long,
Un enfant alors dans ses classes.
Tout est aux écoliers couchette et matelas.
Un honnête homme, en pareil cas,
Aurait fait un saut de vingt brasses.
Près de là, tout heureusement,
La Fortune passa, l’éveilla doucement,
Lui disant : «Mon mignon, je vous sauve la vie;
Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.
Si vous fussiez tombé, l’on s’en fût pris à moi;
Cependant c’était votre faute.
Je vous demande, en bonne foi,
Si cette imprudence si haute
Provient de mon caprice.» Elle part à ces mots.
Pour moi, j’approuve son propos.
Il n’arrive rien dans le monde
Qu’il ne faille qu’elle en réponde :
Nous la faisons de tous écots;
Elle est prise à garant de toutes aventures.
Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures,
On pense en être quitte en accusant son sort :
Bref, la Fortune a toujours tort
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
“Du jeune Homme et de la Fortune”