Un loup beuyant au plus haut cours d’une eau,
Laquelle estait belle, clère, série,
Vit au-dessous de luy boire un agneau,
Auquel il dit (voire par tricherie
Pour prendre noise et donner fascherie)
« Vien ça meschant ! par quelle rêverie
« M’es-tu venu troubler ceste eau icy ? »
A quoi respond l’agneau : je ne sauraye,
Quand ores la puissance,
Certainement le vouloir n’en auraye.
— Tu as menti ! car j’ai la cognessance
(ha dit ce loup) que dès votre naissance
Ton père et toy avec ta mère aussi
M’avez cuidé toujours porté nuisance.
Et pour ce mort encourras sans mercy.
Notes de Augusta Coupey :
Fabliau charmant ! Par exemple, il nous démontre l’inadmissible prétention de La Fontaine, avançant que c’est lui qui fait parler un langage nouveau aux bêtes. Ce langage était dans la bouche du loup d’Esope six cents ans avant l’ère chrétienne ; et sauf le « je tête encor ma mère », on retrouve dans les anciens auteurs les répliques du fort et du faible données comme étant de sa composition. Quoi de plus exquisement naïf que le plaidoyer de Pierre Blanchet ; les a parté sont malicieux au possible. Nous lui préférons la narration de notre poète, tout simplement parce que l’ancien français nous est peu familier.
•Pierre Blanchet, 1459 – 1519 (Du Loup et de l’Agneau par Pierre Blanchet)