Un Loup voyant des Bergers qui mangeaient un mouton sous une tente s’approcha : ” Quels cris vous pousseriez, dit-il, si j’en faisais autant “. ” Quels cris vous pousseriez, dit-il, si j’en faisais autant “.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Loup et les Bergers
Un Loup rempli d’humanité
(S’il en est de tels dans le monde)
Fit un jour sur sa cruauté,
Quoiqu’il ne l’exerçât que par nécessité,
Une réflexion profonde.
Je suis haï, dit-il, et de qui ? De chacun.
Le Loup est l’ennemi commun :
Chiens, chasseurs, villageois, s’assemblent pour sa perte.
Jupiter est là-haut étourdi de leurs cris ;
C’est par là que de loups l’Angleterre est déserte :
On y mit notre tête à prix.
Il n’est hobereau qui ne fasse
Contre nous tels bans publier ;
Il n’est marmot osant crier
Que du Loup aussitôt sa mère ne menace.
Le tout pour un Ane rogneux,
Pour un Mouton pourri, pour quelque Chien hargneux,
Dont j’aurai passé mon envie.
Et bien, ne mangeons plus de chose ayant eu vie ;
Paissons l’herbe, broutons ; mourons de faim plutôt.
Est-ce une chose si cruelle ?
Vaut-il mieux s’attirer la haine universelle ?
Disant ces mots il vit des Bergers pour leur rôt
Mangeants un agneau cuit en broche.
Oh, oh, dit-il, je me reproche
Le sang de cette gent. Voilà ses gardiens
S’en repaissants, eux et leurs chiens ;
Et moi, Loup, j’en ferai scrupule ?
Non, par tous les Dieux. Non. Je serais ridicule.
Thibaut l’agnelet passera
Sans qu’à la broche je le mette ;
Et non seulement lui, mais la mère qu’il tette,
Et le père qui l’engendra.
Ce Loup avait raison. Est-il dit qu’on nous voie
Faire festin de toute proie,
Manger les animaux, et nous les réduirons
Aux mets de l’âge d’or autant que nous pourrons ?
Ils n’auront ni croc ni marmite ?
Bergers, bergers, le loup n’a tort
Que quand il n’est pas le plus fort :
Voulez-vous qu’il vive en ermite ?
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Les Bergers & le Loup
Dans un réduit à la sourdine,
Des Bergers rotissoient un Mouton des plus gras ;
Ils avoient bien de quoi fournir à leur cuisine,
Grand appétit, bon vin ne manquoient pas.
Messer Loup , fut dit-on , scandalisé du cas ,
Si tant est cependant qu’un Loup se scandalise;
Si je faisois, dit-il, une telle entreprise,
Que l’on verroit de bruit & de fracas!
Les hameaux d’alentour seroient remplis d’alarmes,
Et les Bergers prendroient les armes ,
Hommes & Chiens assiégeroient mes pas.
Pourquoi punir d’une rigueur extrême ,
Des forfaits que souvent on a commis soi-même ?
Pourquoi s’armer d’un violent courroux ?
Nos condamnations réjailliront sur nous.
Reflexions
Les Loups sont les libertins qui s’autorisent à mal faire par le mauvais exemple ; mais cet exemple mauvais ne donne point d’atteinte à la loi ; elle subsiste toujours malgré ceux qui ne l’observent point, & c’est alors que nous devons redoubler notre attention pour réparer le scandale qui cause la chute des foibles. Ayons de l’indulgence pour les fautes de nos frères , nous sommes sujets aux mêmes foiblesses ; prononcer leur condamnation, c’est nous condamner nous-mêmes…
- Pierre de Frasnay – (1676 – 1753)
Le Loup et les Bergers
J’aime ce Loup, rempli de bonne envie, Qui, méditant sur ses instincts pervers, Sur ses ennuis, ses crimes, ses revers, , Résolut de changer de vie, Et, faute d’un bon directeur, Voulant à sa scélératesse De ses austérités égaler la rigueur, Alla trop loin dans la sagesse. Les herbes lui convenaient peu, Et ce régime de trappiste, Auquel personne ne résiste S’il n’est engagé par un vœu, Aurait rendu son estomac débile. Un loup doit toujours être agile; On peut douter s’il est bien converti, Et, dès lors, se montrer facile A lui faire un mauvais parti. Le nôtre, à dire vrai, ne l’était qu’à demi : A l’aspect du berger qui dîne et se régale D’un jeune agneau rôti, Il en prend du scandale, Et jure d’en manger aussi. Ce Loup, qu’on voit instruit de la géographie, Qui parle histoire et se montre au courant De ce qui s’est passé, même hors du continent, Avait peu de philosophie. Il aurait dû se dire : « On nous défend l’agneau, Et l’homme, avec un sans-façon extrême, Se permet ce friand morceau, Et je vois qu’il en donne même Au chien, son serviteur. Bien plus, nul ne le blâme, Personne ne réclame ; Pas la moindre clameur. Ah ! c’est qu’il est le roi de la nature; On le voit bien sur sa figure; Or ce n’est pas pour nous qu’il nourrit des agneaux. Au lieu donc d’aspirer à de si fins morceaux Et de braver les coups de sa vengeance, Je ferais beaucoup mieux de rester dans les bois Et de me contenter d’une maigre pitance. Du reste, avec un peu de nez et de jarret, Pour peu qu’on ait l’oreille au guet, On a vraiment plus d’une chance De faire assez souvent bombance. Et puis la maladie avec sa sœur la mort Se met souvent d’accord Pour nous fournir une chair faisandée, Qui ne manque pas d’agrément. Par ce haut goût la bouche affriandée Réclamerait volontiers du piment Pour relever une chair douce et fade. Tout en faisant sa promenade, On attrape son déjeuner, Et quand c’est une bonne aubaine, Il en reste pour le dîner, Et quelquefois pour la semaine. Entretenu par l’air pur des forêts, L’appétit ne manque jamais ; On mange, on boit, on dort, on vit tranquille. Vivent, les bois ! Le séjour de la ville Est trop sujet à la tentation. Puis, je me sens le jarret trop agile Pour-me plier à la civilisation. » Au lieu de raisonner et d’agir de la sorte, Écoutant trop son appétit glouton, Et s’obstinant à manger du mouton, De même qu’un larron notre loup se comporte, La nuit, écoutant à la porte, Le jour, en secret, de planton, Guettant, observant les approches, Comme un filou qui cherche à fouiller dans les poches. Par cette vie et ces mœurs de bandit, Il fait si bien qu’on se niet à sa piste, Et qu’un beau jour, à l’improviste, 11 est pris en flagrant délit. On l’assassine, on le mitraille; Puis, on remplit sa peau de paille, Qu’un pleutre, un vil manant, A travers les hameaux colporte en mendiant. Les bonnes gens et la marmaille, L’apercevant, disaient : « Quel beau grand loup ! En l’assommant, on a fait un beau coup. » Paris, 13 mars 1854. Suite de la fable de La Fontaine
- Barthélemy de Beauregard – (1803 – 18??)
Le Loup et les Bergers
Les remords du méchant ne sont que passagers.
Témoin ce loup, qui déplore et contemple
Le passé de sa vie, et qu’un mauvais exemple,
Offert par des bergers, Fait changer de parti.
La conduite du traître
Prouve ce que je dis, et fait assez connaître
D’un fourbe, et d’un pervers, en fait de loyauté,
Le manque de sincérité. De quitter le chemin du vice,
Ce loup bien loin de faire un pareil sacrifice,
Revenant à son naturel Cruel,
S’en retourne aux brebis, pour assouvir sa rage :
Mais un chien l’étranglant, l’envoya chez les morts ,
Apprendre qu’il vaut mieux écouter ses remords,
Que d’imiter un exemple sauvage.
- Charles Beaulieu 18??-????
Le Loup et les Bergers
Un loup se promenant dans un vallon,
Vit des bergers dévorant un mouton.
Diable, que feraient-ils, cria le loup,
S’ils me surprenaient ainsi tout à coup!
- Guy Le Ray (fabuliste contemporain)
Le Loup et Les Bergers
Un Loup de sa tanière vint à sortir
Et errant par-ci par-là vit sous une tente
Des Bergers en bonne entente
Qui faisaient rôtir L’un de leurs moutons.
« Ah ! fit-il avec le plus dur des tons,
Quels cris auriez-vous poussé
Si je vous avez détroussé,
Délesté d’une seule de vos bêtes !
Et comme frappe au sol la tempête,
Vous tomberiez sur moi pour avoir ma tête ! »
Acte ou parole Ne jouent guère le même rôle
Selon qu’ils sont le fait de quelqu’un d’autre
Ou qu’ils sont du nôtre !
- David Claude (fabuliste contemporain) (Du Loup et des Bergers)