“Du Paon et du Rossignol” – Le Paon se plaignit un jour à Junon, soeur et femme du Maître des Dieux, qu’il se rendait ridicule auprès des autres Oiseaux, par la rudesse et le désagrément de sa voix ; au lieu que le Rossignol les charmait tous par sa mélodie et par la douceur de son chant. ” J’en conviens, lui répliqua Junon ; mais les Dieux l’ont ordonné de la sorte. Ils ont voulu que chaque Animal eût un talent particulier. Si le Rossignol vous surpasse par la douceur de sa voix, vous le surpassez par la beauté de votre plumage. La force est le partage de l’Aigle. Le Corbeau donne de bons augures. La Corneille est faite pour annoncer les malheurs. Il faut que chacun se contente de sa condition, et qu’il se soumette à la volonté des Dieux. “
-
Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Paon se plaignant à Junon
Le paon se plaignait à Junon.
« Déesse, disait-il, ce n’est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure:
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaît à toute la nature ;
Au lieu qu’un rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu’éclatants,
Est lui seul l’honneur du printemps.
Junon répondit en colère :
« Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d’envier la voix du rossignol,
Toi que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies,
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La boutique d’un lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le faucon est léger, l’aigle plein de courage ;
Le corbeau sert pour le présage ;
La corneille avertit des malheurs à venir;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre ; ou bien, pour te punir,
Je t’ôterai ton plumage.»
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)