Dans une dispute que le Renard eut avec le Chat, il se vantait d’être le plus rusé de tous les animaux, et de mettre lui seul plus de finesses en pratique que tous les autres ensemble. Le Chat lui répondit qu’il n’en savait pas tant, mais qu’il avait de bonnes griffes ; que son agilité lui tenait lieu de finesse, et le tirait de toutes sortes d’embarras. Lorsque le Renard s’apprêtait à lui répliquer, on entendit tout à coup plusieurs Chiens aboyer, et qui venaient fondre sur eux. Le Chat, sans marchander davantage, grimpa promptement sur un arbre, où il demeura en sûreté ; mais le Renard qui ne put se sauver si vite, fut pris et dévoré par les Chiens, malgré toutes ses finesses.
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Chat et le Renard
Le chat et le renard, comme beaux petits saints,
S’en allaient en pèlerinage.
C’étaient deux vrais tartufs, deux archipatelins
Deux francs patte-pelus qui, des frais du voyage,
Croquant mainte volaille, escroquant maint fromage,
S’indemnisaient à qui mieux mieux.
Le chemin étant long, et partant ennuyeux,
Pour l’accourcir ils disputèrent.
La dispute est d’un grand secours.
Sans elle on dormirait toujours.
Nos pèlerins s’égosillèrent.
Ayant bien disputé, l’on parla du prochain.
Le renard au chat dit enfin :
«Tu prétends être fort habile,
En sais-tu tant que moi? J’ai cent ruses au sac.
– Non, dit l’autre; je n’ai qu’un tour dans mon bissac ;
Mais je soutiens qu’il en vaut mille.»
Eux de recommencer la dispute à l’envi.
Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi,
Une meute apaisa la noise.
Le chat dit au renard :« Fouille en ton sac, ami ;
Cherche en ta cervelle matoise
Un stratagème sûr ; pour moi, voici le mien. »
A ces mots, sur un arbre il grimpa bel et bien.
L’autre fit cent tours inutiles,
Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut
Tous les confrères de Brifaut.
Partout il tenta des asiles ;
Et ce fut partout sans succès ;
La fumée y pourvut, ainsi que les bassets.
Au sortir d’un terrier, deux chiens aux pieds agiles
L’étranglèrent du premier bond.
Le trop d’expédients peut gâter une affaire :
On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.
N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)