“Du Sanglier et de l’Âne” – Un Âne ayant rencontré par hasard un Sanglier, se mit à se moquer de lui et à l’insulter ; mais le Sanglier frémissant de courroux et grinçant les dents, eut d’abord envie de le déchirer et de le mettre en pièces. Ensuite faisant aussitôt réflexion qu’un misérable Âne n’était pas digne de sa colère et de sa vengeance :” Malheureux, lui dit−il, je te punirais sévèrement de ton audace, si tu en valais la peine ; mais tu n’es pas digne de ma vengeance. Ta lâcheté te met à couvert de mes coups, et te sauve la vie. ” Après lui avoir fait ces reproches, il le laissa aller.
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Rat et l’Eléphant
Se croire un personnage est fort commun en France :
On y fait l’homme d’importance,
Et l’on n’est souvent qu’un bourgeois.
C’est proprement le mal françois :
La sotte vanité nous est particulière.
Les Espagnols sont vains, mais d’une autre manière :
Leur orgueil me semble, en un mot,
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre,
Qui, sans doute, en vaut bien un autre.
Un rat des plus petits voyait un éléphant
Des plus gros et raillait le marcher un peu lent
De la bête de haut parage,
Qui marchait à gros équipage.
Sur l’animal à triple étage
Une sultane de renom,
Son chien, son chat et sa guenon,
Son perroquet, sa vieille et toute sa maison,
S’en allait en pèlerinage.
Le rat s’étonnait que les gens
Fussent touchés de voir cette pesante masse:
«Comme si d’occuper ou plus ou moins de place
Nous rendait, disait-il, plus ou moins important!
Mais qu’admirez-vous tant en lui, vous autres hommes?
Serait-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,
D’un grain moins que les éléphants.»
Il en aurait dit davantage;
Mais le chat, sortant de sa cage,
Lui fit voir en moins d’un instant
Qu’un rat n’est pas un éléphant.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)