Une Chèvre sortit de son étable pour aller paître, recommandant très expressément à son Chevreau de n’ouvrir la porte à personne durant son absence. À peine était-elle sortie, qu’un Loup vint heurter à la porte de l’étable, contrefaisant la voix de la Chèvre, et il commanda au Chevreau de lui ouvrir. Cet animal profitant des leçons de sa mère, regarda par une ouverture, et reconnut le Loup. ” Je n’ouvrirai point, lui répliqua-t-il ; car quoique tu contrefasses la voix d’une Chèvre, je vois bien à ta figure que tu es un Loup, et que tu ne cherches qu’à me dévorer. “
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Loup la Chèvre et le Chevreau
La bique allant remplir sa traînante mamelle,
Et paître l’herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet:
«Gardez-vous, sur votre vie,
D’ouvrir que l’on ne vous die,)
Pour enseigne et mot du guet:
«Foin du loup et de sa race!”»
Comme elle disait ces mots,
Le loup de fortune passe;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N’avait pas vu le glouton.
Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d’une voix papelarde
Il demande qu’on ouvre en disant: « Foin du loup!»
Et croyant entrer tout d’un coup.
Le biquet soupçonneux par la fente regarde:
«Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point,»
S’écria-t-il d’abord. (Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu s’en retourna chez soi.
Où serait le biquet s’il eût ajouté foi
Au mot du guet que de fortune
Notre loup avait entendu?
Deux sûretés valent mieux qu’une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)