Ésope
Écrivain grec et fabuliste antiquité – D’un Coq et d’une Pierre précieuse
D’un Coq et d’une Pierre précieuse – Un Coq en grattant un fumier, y trouva par hasard une Pierre précieuse ; il la considéra pendant quelque temps, et dit avec une espèce de mépris : ” De quoi me peut servir une chose si belle et si brillante ? Elle serait bien mieux entre les mains d’un Lapidaire qui en connaîtrait le prix, et l’usage qu’il en faut faire.
Mais pour moi qui n’en puis retirer aucune utilité, je préférerais un seul grain d’orge à toutes les Pierres précieuses du monde.”
- Ésope Ve. ou VIe. siècle ?
D’un coc qui truva une Gemme sor un Fomeroi
D’un coc racimte ki munta
Sour un fémier, è si grata
Selunc nature purchaceit,
Sa viande cum il soleit :
Une chière jame truva,
Clère la vit, si l’esgarda;
Je cuidai, feit-il, purchacier,
Ma viande sor cest fémier,
Or ai ici jame travée,
Par moi ne serez remuée.
S’uns rices hum ci vus travast,
Bien sei ke d’or vus énurast ;
Si en creust vustre clartei,
Pur l’or ki a mult grant biantei
Quant ma vulentei n’ai de tei
Jà nul hénor n’auraz par mei.
MORALITÉ.
Autresi est de meinte gent,
Se eut ne vient à lur talent,
Cume dou coc è de la jame;
Véu l’avuns d’orne è de fame:
Bien, ne hénor, noient ne prisent,
Le pis prendent, le mielx despisent.
- Marie de France – 1160-1210
L’Ignorant.
Comme le Coq ne va querant
La pierre précieuse et belle,
Ainsy ne cherche l’ignorant
La science spirituelle
Du Coq et de la Pierre précieuse
Ung Coq, cherchant sa viande et pasture
Sur ung fumier, en fange et pourriture,
Gratant des piedz, une pierre trouva
De tresgrand pris : il la laisse et s’en va,
En luy disant : « Ha! pierre précieuse,
Qui tant es belle et bonne et gracieuse,
C’est grand dommaige et pour toy grand malheur
Qu’homme sçavant qui cognoist ta valleur
Ne t’a trouvée en ce lieu ord et vague :
Il en feroit quelque tresriche bague.
Mais moy qui t’ay en ce fumier trouvée.
Par moy n’est point ta bonté esprouvée;
Je ne te veulx, de toy je nay que faire,
C’est pour celluy qui en a plus affaire,
Et pour sonfaict te souhaitte et désire;
A sy grand bien et sy hault je n’aspire. »
Ainsi le fol, par son insipience,
N’a cure et soing de la bonne science,
Il ne veult point aux lettres prouffiter,
Tant seulement il se veult arrester
Aux biens mondains pleins de corruption,
Aux folz plaisirs remplis d’infection.
Il se complaist à faire demourance
Es lieux fangeux, ténèbres d’ignorance :
Ainsi est il à ce coq bien semblable
A qui ne chault de la pierre vallable,
Car par la pierre est science entendue,
Parmy les biens de ce monde estendue.
- Gilles Corrozet (1510 – 1568)
D’un Coq & du Diamant
Ainsi qu’un coq estoit cherchant pasture
En un fumier, il trouva d’avanture
Un dyamant,fort riche & precieux
Dedans ce lieu immunde & vicieux,
Auquel il dict, ô dyamant exquis
De maintes gents es grandement requis,
Mais quand a moy es de petite estime
Car en effect ie cheris & estime
Un grain de blé trop plus que ne fais toy
Pour & aultant qu’iceluy ejl de toy
Pour mon user, & ie ne puis en rien
Avoir de toy usage ou aulcun bien.
Le moral
Ceste fable nous fait certains
Que plusieurs contemnent science
Comme ignorantz & incertains
De son utile expérience.
- Guillaume Haudent – (XVe. – XVIe. siècle)
Le Coq et la Perle
Un jour un Coq détourna
Une Perle, qu’il donna
Au beau premier Lapidaire.
“Je la crois fine, dit-il ;
Mais le moindre grain de mil
Serait bien mieux mon affaire.
Un ignorant hérita
D’un manuscrit, qu’il porta
Chez son voisin le Libraire.
“Je crois, dit-il, qu’il est bon ;
Mais le moindre ducaton*
Serait bien mieux mon affaire.
- Jean de La Fontaine – 1621 – 1695
Le coq et le diamant
Un Coq ayant trouvé un Diamant, dit : – J’aimerais mieux avoir trouvé un grain d’orge. –
Ainsi jeune beauté, mignonne et délicate,
Gardez-vous bien de tomber sous la patte
D’un brutal qui n’ayant point d’yeux
Pour tous les beaux talents dont votre esprit éclate
Aimerait cent fois mieux
La moindre fille de village,
Qui serait plus à son usage.
- Charles Perrault – 1628 – 1703