D’un Loup, d’une Femme et de son Enfant
Un loup cherchant sa proie avec ardeur,
Passa auprès du toit d’un laboureur
Où il ouït un enfant qui criait,
La mère aussi, laquelle le tançait,
Le menaçant de le donner au loup :
Lequel croyant que c’estait chose seure,
Il attendait pour le manger du tout.
Mais à la fin la mère oyant qu’il pleure.
Le caressant et l’appaisant, disait :
Nenni, mon fils, que si le loup s’approche,
Nous le tuerons, quelque puissant qu’il soit.
Hay! devant! bête, qu’on ne t’accroche.
— Comment! dit lors le loup en s’en allant;
Celle-ci a un cœur double en parlant.
Beaucoup de gens ont une langue double;
Car disant d’un ils font tout autrement,
Dont bien souvent il advient de grand trouble,
Où avec eux on périt pauvrement.
“D’un Loup, d’une Femme et de son Enfant”
Philibert Hégémon mit vingt-et-une fables, à la suite de la Colombière, publiée en 1583.