“D’un Singe et d’un Renard” – Dans une Assemblée générale des Animaux, le Singe sauta avec tant de légèreté et tant d’adresse, qu’ils l’élurent pour leur Roi, avec l’approbation de toute l’Assemblée. Le Renard, qui ne put regarder son élévation sans envie, ayant aperçu dans une fosse de la viande cachée sous des filets, mena le Singe sur le bord de la fosse, lui disant qu’il avait rencontré un trésor, et que c’était au Roi à s’en saisir, parce que la Loi le lui attribuait. Le Renard exhorta donc le Singe à s’emparer promptement de ce trésor. Le Singe étant entré inconsidérément dans la fosse, fut attrapé au piège qu’il n’avait pas aperçu. Se voyant pris de la sorte, il reprocha au Renard sa perfidie. ” Monsieur le Singe, lui répliqua le Renard, puisque vous êtes si peu avisé, comment prétendez-vous avoir l’empire sur tous les autres Animaux ? “
Autre version
“Le renard et le Singe élu roi” – Le singe, ayant dansé dans une assemblée des bêtes et gagné leur faveur, fut élu roi par elles. Le renard en fut jaloux et, ayant vu un morceau de viande dans un lacs, il y mena le singe en lui disant qu’il avait trouvé un trésor, mais qu’au lieu d’en user lui-même, il le lui avait gardé, comme étant un apanage de la royauté, et il l’engagea à le prendre. Le singe s’en approcha étourdiment et fut pris au lacs. Comme il accusait le renard de lui avoir tendu un piège, celui-ci répliqua : « O singe, sot comme tu es, tu veux régner sur les bêtes ! »
C’est ainsi que ceux qui se lancent inconsidérément dans une entreprise, non seulement échouent, mais encore prêtent à rire.
Ἀλώπηξ καὶ πίθηκος βασιλεὺς αἱρεθείς
Ἐν συνόδῳ τῶν ἀλόγων ζώων πίθηκος ὀρχησάμενος καὶ εὐδοκιμήσας βασιλεὺς ὑπ αὐτῶν ἐχειροτονήθη. Ἀλώπηξ δὲ αὐτῷ φθονήσασα, ὡς ἐθεάσατο ἔν τινι πάγῃ κρέας κείμενον, ἀγαγοῦσα αὐτὸν ἐνταῦθα ἔλεγεν ὡς εὑροῦσα θησαυρὸν αὐτὴ μὲν οὐκ ἐχρήσατο, γέρας δὲ αὐτῷ τῆς βασιλείας τετήρηκε, καὶ παρῄνει αὐτῷ λαμβάνειν. Τοῦ δὲ ἀτημελήτως ἐπελθόντος καὶ ὑπὸ τῆς πάγης συλληφθέντος, αἰτιωμένου τε τὴν ἀλώπεκα ὡς ἐνεδρεύσασαν αὐτῷ, ἐκείνη ἔφη· “Ὦ πίθηκε, σὺ δὲ τοιαύτην μωρίαν ἔχων τῶν ἀλόγων ζώων βασιλεύεις;”
Οὕτως οἱ τοῖς πράγμασιν ἀπερισκέπτως ἐπιχειροῦντες ἐπὶ τῷ δυστυχεῖν καὶ γέλωτα ὀφλισκάνουσιν
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Renard le Singe et les Animaux
Les animaux, au décès d’un lion,
En son vivant prince de la contrée,
Pour faire un roi s’assemblèrent, dit-on.
De son étui la couronne est tirée :
Dans une chartre un dragon la gardait.
Il se trouva que, sur tous essayée,
A pas un d’eux elle ne convenait :
Plusieurs avaient la tête trop menue,
Aucuns trop grosse, aucuns même cornue.
Le singe aussi fit l’épreuve en riant;
Et par plaisir la tiare essayant,
Il fit autour force grimaceries,
Tours de souplesse, et mille singeries,
Passa dedans ainsi qu’en un cerceau.
Aux animaux cela sembla si beau,
Qu’il fut élu : chacun lui fit hommage.
Le renard seul regretta son suffrage,
Sans toutefois montrer son sentiment.
Quand il eut fait son petit compliment,
Il dit au roi : «Je sais, Sire, une cache,
Et ne crois pas qu’autre que moi la sache.
Or tout trésor, par droit de royauté,
Appartient, Sire, à Votre Majesté.»
Le nouveau roi bâille après la finance;
Lui-même y court pour n’être pas trompé.
C’était un piège : il y fut attrapé.
Le renard dit, au nom de l’assistance :
«Prétendrais-tu nous gouverner encor,
Ne sachant pas te conduire toi-même?»
Il fut démis; et l’on tomba d’accord
Qu’à peu de gens convient le diadème.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)