En France on fait, par un plaisant moyen,
Taire un auteur, quand d’écrits il assomme:
Dans un fauteuil d’académicien,
Lui quarantième on fait asseoir cet homme;
Lors il s’endort, et ne fait plus qu’un somme:
Plus n’en avez prose, ni madrigal.
Au bel esprit ce fauteuil est en somme
Ce qu’à l’amour est le lit conjugal.
A l’académie française
Gens de tous états, de tout âge,
Ou bien, ou mal, ou non lettrés,
De cour, de ville, ou de village,
Castorisés, casqués, mitrés,
Messieurs les beaux esprits titrés,
Au diable soit la pétaudière,
Où l’on dit à Nivelle(1), entrez ;
Et nescio vos à Molière.
(1) Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée
homélies du révérend père La Chaussée
Connaissez-vous, sur l’Hélicon,
L’une et l’autre Thalie ?
L’une est chaussée et l’autre non,
Mais c’est la plus jolie.
L’une a le rire de Vénus,
L’autre est froide et pincée :
Salut à la belle aux pieds nus,
Nargue de la chaussée. »
Epitaphe à J. B. Rousseau
Ci gît l’illustre et malheureux Rousseau.
Le Brabant fut sa tombe, et Paris son berceau.
Voici l’abrégé de sa vie,
Qui fut trop longue de moitié :
Il fut trente ans digne d’envie,
Et trente ans digne de pitié.
Ma dernière épigramme
J’achève ici-bas ma route.
C’était un vrai casse-cou.
J’y vis clair, je n’y vis goutte,
J’y fus sage, j’y fus fou.
Pas à pas j’arrive au trou
Que n’échappent fou ni sage
Pour aller je ne sais où.
Adieu, Piron, bon voyage!
(Epigrammes d’Alexis Piron)
- Alexis Piron, 1689 – 1773