Auteur inconnu
Fable présentée à l’assemblée nationale
Un Vaisseau, balloté des vents,
Allait tant bien que mal, victime du gros temps ;
Les Passagers et l’Équipage
Pouvaient, en s’unissant, résister à l’orage ;
Point du tout : on délibéra ;
Au lieu d’agir, on pérora.
A la manœuvre , on est en risque,
Criaient par-ci par-là quelques Marins prudents ;
Nous prenons mal notre bisque
Pour disputer, soyons moins éloquents
Et faisons quelque chose. A ce soin salutaire,
Et dont l’avis prudent venait fort à propos,
Un orateur soutint, et non en quatre mots,
Qu’il était d’abord nécessaire
De discuter l’origine des vents ;
Ajoutez, dit un autre aussitôt, les courants ;
Fi, dit quelqu’un, croyant résoudre
La chose encore plus savamment,
Il faut d’abord, contre la foudre
Qui gronde épouvantablement,
Établir un paratonnerre.
Enfin, tous ces avis raisonnes longuement
Et convenables seulement,
Pendant le calme, ou bien à terre ,
Retardent la manœuvre ; et les flots
Sur une côte affreuse éloignent l’espérance
Vaisseau, Passagers, Matelots ,
Tout périt par trop d’éloquence.
Pour nous instruire assez, cet exemple suffit.
Que la nécessité nous serve de pilote ;
Oh mes amis ! nous avons trop d’esprit,
Nous perdons trop de temps, nous irons à la côte.
Anonyme