Auteur anonyme
Les trois frères
Trois frères habitaient dans la même maison ;
Leurs biens, leurs intérêts, leur père était le même.
L’un était au premier, le cadet au second,
Le dernier de tous au troisième ;
L’aîné battait ses gens, chassait,
Mangeait, buvait et s’amusait.
Le second, mieux qu’aucun, partagé par son père,
Sous la condition de prier pour les trois,
Au lit, à table ou dans la Cour des Rois,
Passait son temps et laissait les prières
A de malheureux mercenaires.
Le dernier, pauvre, avait pour tout emploi,
Un grand travail, le détail des affaires,
Et le soin de payer, et par ce moyen-là,
Assez longtemps, tout le ménage alla
Tant bien que mal. Un jour, la maison mal construite
Craqua, fléchit ; et tout de suite,
Du comble aux fondements, le mal se décela :
Un Architecte sage, et qui, par ses lumières,
Ses talents, ses vertus sincères,
Se faisait en tous lieux admirer et chérir ;
Mandé dans la maison, la vit : il dit aux Frères,
Je puis la réparer, mais il faut vous unir.
Moi, dit l’aîné ! moi, voir mon frère,
Qui demeure au troisième ! ah ! vous riez, je crois !
Je n’y monterai pas ; non, j’ai l’âme trop fière ;
Qu’il descende, s’il veut, je l’attendrai chez moi.
Le second disait : Non, je suis ici, je reste.
Le dernier doit payer, l’aîné doit ordonner ;
C’est à moi de jouir et de ne rien donner.
Mais, disait le troisième, avec son ton modeste,
Au lieu de nous fâcher, tâchons de raisonner :
Vain souhait ! parole inutile !
Ils s’injuriaient tous, sans titre, sans égard,
Lorsqu’au milieu des trois, parut certain bâtard
De la maison , qui faisait l’homme habile,
Criait toujours, parlementait ;
Sans qu’on le demandât, descendait et montait,
Et ne restait jamais tranquille ;
Raisonnait sans principe et parlait sans objet ;
Le matin pour l’aîné, le soir pour le cadet.
Bien loin de l’apaiser, il augmenta le trouble ;
Mais tandis que l’on crie et que le bruit redouble,
La maison tombe et les écrase tous.
Français, Français , qu’en dites-vous ?
Auteur anonyme XVIIIº