Un Cerf vivement poursuivi par un Chasseur, arriva presque hors d’haleine auprès d’une ferme : le Fermier était devant la porte. L’animal saisi de peur, le pria les larmes aux yeux, d’avoir pitié de lui, et de lui permettre de se cacher dans un coin de sa cour. Le Fermier le lui permit, et s’engagea sur sa parole d’honneur à ne le point découvrir. Le Chasseur parut quelques moments après, et demanda au Fermier, s’il n’avait pas vu un Cerf? Non, répondit-il, il n’a pas passé par ici, je vous assure ; en même temps il indiqua du doigt la place où le timide animal était caché. Le Chasseur, appliqué à sa chasse, ne prit pas garde au signe, et s’en alla. Aussitôt qu’il fut parti, le Cerf s’enfuit sans rien dire. Holà ho, cria le Fermier, où courez vous si vite ? Est-ce là votre remerciement du refuge que je vous ai accordé ? Oui, dit le Cerf; si votre main avait été aussi honnête que votre langue, je n’aurais certainement pas manqué de vous remercier; mais tout le remerciement que mérite un homme à deux visages, est l’indignation et le mépris.
La duplicité est commune ; c’est le vice de beaucoup de gens . L’homme prudent se méfie des protestations de service et d’amitié, qui ne sont pas fondées sur la sincérité.
“Fermier, le Chasseur et le Cerf”