Charles Desains
Peintre, poète et fabuliste XVIIIº – Festin de Moineau
Un vaniteux moineau qui vivait dans l’aisance,
(Un sot parfois est opulent)
Aux oiseaux de sa connaissance
Voulut un jour offrir un repas succulent.
Avec cérémonie à l’avance il invite
Maint habitant de l’air, quelque peu parasite,
Qui venant, au jour dit, pratiquer son métier.
En savourant la ligue ou le fruit du sorbier,
Exhalait du festin l’ordonnance admirable,
Et pour payer comptant sa présence à la table
De monseigneur moineau, se faisait un devoir
De parfumer son bec à grands coups d’encensoir.
Car des convives c’est l’usage
De flatter d’un plus doux langage
Celui qui les régale, à chaque plat qu’on sert,
Et tel Amphitryon est un sot, au potage.
Que l’on dit grand homme au dessert.
Je sais beaucoup de lieux où cela se pratique.
Au soi tir du banquet l’on lit de la musique ;
Le moineau chanta faux ; l’auditoire charmé
Criait : bis ! au fausset de sa voix glapissante,
Et quand le rossignol, à la voix si touchante,
Vint exhaler son chant par l’amour animé,
La majorité dit qu’il était enrhumé,
Qu’il fallait du repos pour cette maladie,
Qu’un rhume négligé finissait quelquefois
Par coûter au chanteur ou la vie ou la voix.
Le concert arrêté par cette perfidie,
On se sépare aux cris de : Vive le moineau !
Et si l’on eût fondé parmi le peuple oiseau
Une académie, une chambre,
Le scrutin eût choisi le donneur de repas ;
Le rossignol, chez qui les gens ne dînaient pas,
N’en aurait jamais été membre.
Chez nous, on ne peut le nier.
Les dîners ont trop d’influence,
Et de tout candidat la première science,
C’est d’avoir un bon cuisinier.
Charles Desains, festin de moineau