Auprès du Louvre, un beau jour de printemps,
Des enfants folâtroient ensemble :
Quand ils sont grands la gloire ou l’amour les rassemble,
Mais à l’enfance il faut des passe-temps,
Et la vieillesse en ce point lui ressemble
Quand elle dure trop long-temps.
Ces enfants donc, l’esprit gai, le cœur libre,
Trouvant sur une poutre un soliveau posé,
L’un grimpe au plus haut bout et forme l’équilibre,
L’autre monte à cheval sur le bout opposé :
Les forces du levier leur étoient peu connues.
Le premier par ce poids s’élève sans effort,
L’autre, quoiqu’il descende, est content de son sort.
Il songe qu’à son tour il va monter aux nues,
Et la troupe à grands cris seconde leur transport.
Auprès de nos bambins des gens de cour passèrent ;
Jaloux d’un facile bonheur
Avec surprise ils s’arrêtèrent :
Chacun sur ces ébats étala son humeur ;
Les plus inquiets les frondèrent,
Les plus sensés au fond du cœur,
Sans dire mot, les envièrent.
Un fou survint, tel qu’au temps des Valois
Il s’en trouvoit à la cour de nos rois,
Qui, mésusant des libertés permises,
Pour un bon mot risquoîent trente sottises.
Heureusement celui-ci prit un ton
Très familier mais nullement bouffon :
Vous badaudez, seigneurs, et j’en ai honte ;
Vos soins, dit-il, vos complots chaque jour
Ont même but, prennent le même tour,
Les remords seuls font ici le mécompte ;
Ces jeux enfin ce sont vrais jeux de cour,
Quand l’un descend il faut que l’autre monte.
“La Balançoire et le Bouffon de cour”