Une biche, poursuivie par des chasseurs, se cacha sous une vigne. Ceux-ci l’ayant un peu dépassée, elle se crut dès lors parfaitement cachée, et se mit à brouter les feuilles de la vigne. Comme les feuilles remuaient, les chasseurs s’étant retournés et pensant, ce qui était vrai, qu’il y avait une bête cachée dessous, tuèrent la biche à coups de traits. Celle-ci se sentant mourir prononça ces paroles : « Je l’ai bien mérité car je ne devais pas endommager celle qui m’avait sauvée. »
Cette fable montre que ceux qui font du mal à leurs bienfaiteurs sont punis de Dieu.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Cerf et la Vigne
Un cerf, à la faveur d’une vigne fort haute,
Et telle qu’on en voit en de certains climats,
S’étant mis à couvert et sauvé du trépas,
Les veneurs, pour ce coup, croyaient leurs chiens en faute;
Ils les rappellent donc. Le cerf, hors de danger,
Broute sa bienfaitrice : ingratitude extrême !
On l’entend, on retourne, on le fait déloger :
Il vient mourir en ce lieu même.
“J’ai mérité, dit-il, ce juste châtiment :
Profitez-en, ingrats.” Il tombe en ce moment.
La meute en fait curée : il lui fut inutile
De pleurer aux veneurs à sa mort arrivés.
Vraie image de ceux qui profanent l’asile
Qui les a conservés.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)