Désiré-François Le Filleul Des Guerrots
« Bouteille, maudite bouteille,
» Toi que ma femme abhorre à l’égal du poison,
» Source de nos chagrins, fléau de ma maison ,
» Va, je ne boirai plus de ta liqueur vermeille.
» Et toi, viens à mon aide officieux bouchon,
» Entre profondément, tiens-moi lieu de raison,
» Puisque sur elle en vain Grégoire se repose. »
Il dit, et de son mieux rebouchant le flacon,
A moitié plein encore à ses pieds le dépose.
Après ce généreux effort,
De lui-même content le bravo homme s’endort.
Mais bientôt la soif le réveille ;
Et par un vieil instinct conduit,
Il prend, quitte, reprend, lâche un peu, ressaisit
Le flacon enchanteur plein du jus de la treille.
Le liège a beau tenir, un tour de main suffit,
Et le tire-bouchon décoiffe la bouteille.
Pour vaincre un dangereux penchant
L’homme promet en vain de faire des miracles :
Il ne lui présente d’obstacles
Que ceux qu’il croit pouvoir écarter aisément.
“La Bouteille de Grégoire”