L’ivrogne dont je vais vous raconter l’histoire,
Avait juré de ne plus boire ;
Depuis une semaine il tenait son serment.
Un jour, qu’il cheminait gaîment,
Heureux d’avoir dompté sa passion funeste,
Le hasard l’amena devant un cabaret.
— « Si, dans ce lieu maudit, je fais un temps d’arrêt,
» Je veux, s’écria-t-il, que le courroux céleste
» Sur moi s’appesantisse et m’écrase soudain.
» Et, fièrement, il passe son chemin.
Un peu plus loin, il en avise un autre,
Même imprécation et semblable dédain ;
Puis un troisième : — « Oh ! fit le bon apôtre,
D’un ton de voix très-radouci,
» Allons ! grâce pour celui-ci.
» Vraiment ! en bonne conscience,
» J’ai fait preuve, aujourd’hui, de grande fermeté ;
» A la tentation deux fois j’ai résisté,
» Entrons là boire un coup pour notre récompense. »
A peine dans le bouge, à son intempérance,
Notre stoïcien donnait un libre essor,
Et du taudis, plus tard, ne sortait qu’ivre-mort.
Sur la pente fatale où le vice l’entraîne,
L’homme, pour s’amender, tente-t-il un effort ;
Le plus souvent, hélas ! sa résistance est vaine ;
La voix de la raison, celle du repentir,
De ce cruel tyran ne peuvent l’affranchir.
“La Capitulation de Conscience”